5ème semaine de carême -année A (Gn 17,3-9 ; Ps 104(105), 4-5, 6-7, 8-9 ; Jn 8, 51-59)
Nous continuons d’avancer avec Jésus vers Jérusalem, vers l’heure de sa Passion, l’heure où il va glorifier son Père et où son Père va le glorifier et nous élever dans sa gloire. C’est le dénouement le plus incroyable de toute l’histoire de l’humanité. Nous percevons bien cette tension croissante qu’il y a à travers la liturgie de la Parole, ce que l’esprit de la liturgie veut nous faire percevoir, cette tension qu’il y a entre ce que Jésus est venu dire, révéler, accomplir, et la capacité qui est la nôtre de le comprendre et de l’accueillir. Combien il peut y avoir de résistance en nous. Il ne faut pas comprendre l’accueil un peu par habitude, parce que ça fait 2000 ans que nous entendons la même chose et que ça nous a été transmis, cette habitude qui fait que nous ne sommes plus tellement touchés, émerveillés, étonnés, et le fait que justement, cette révélation de Dieu en Jésus Christ est absolument bouleversante. C’est ce qui devrait être, de nous laisser sans cesse bouleverser par cette révélation.
Quand Jésus dit « Si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. » qu’est ce que ça produit en nous ? La question essentielle sur laquelle bute l’auditoire de Jésus est celle de la vie éternelle. Quelqu’un disait que la question essentielle posée à toutes les sagesses de l’humanité est : que se passe-t-il après la mort ? Et tant qu’on n’aura pas répondu à cette question, on n’aura pas répondu à toutes questions qui se posent à tout être humain. C’est la question de la vie éternelle. Un pourcentage important de chrétiens ont du mal à croire en la résurrection. Et quand Paul va prêcher la résurrection, son auditoire lui dit qu’on parlera de cette question là un autre jour. Peut être qu’on est un peu habitué, et qu’il faut se laisser interpeller par la difficulté qu’avaient les Juifs à entendre Jésus dire : « Si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. » La réaction est de comprendre les choses de manière humaine : Jésus serait en train de nous dire que nous allons passer notre vie humaine sur cette terre ! Bien sûr, je ne le souhaite à personne… surtout quand on fait l’expérience qu’un petit virus de rien du tout peut tellement nous nuire ! Nous aspirons à une autre vie. Seulement Jésus a répondu de manière décisive à cette vie. Il y a même des chrétiens qui croiraient plus facilement à la réincarnation. Pourquoi ? Ce qu’il y a derrière la réincarnation, c’est une chance que l’on aurait de se racheter, d’avoir une vie meilleure que celle que l’on a aujourd’hui. Mais ce n’est pas du tout ça que Jésus nous propose : il nous propose la vie éternelle, la résurrection ! Il faut se laisser surprendre.
Cette réponse ne peut pas être le fruit d’un travail intellectuel, de la somme même de toutes les sagesses de l’humanité. C’est seulement celui qui en vient qui peut nous en parler et nous ouvrir le chemin. Jésus, plusieurs fois, a annoncé la vie éternelle : à Nicodème, à la Samaritaine, aux juifs de Jérusalem et aux Galiléens. Et à Marthe, il lui fait faire ce chemin : « Marthe, la vie éternelle ce n’est pas seulement après la mort, parce que je suis la résurrection. Et celui qui m’accueille accueille aussi la vie éternelle. » Vous voyez, Jésus nous dit le chemin : c’est moi et c’est un chemin sûr. « Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ». Ce n’est pas un chemin vasouillard, dans lequel on va tâtonner et patauger, « On patauge dans la choucroute » disait un de mes enseignants au Centre Sèvre. Suivre Jésus, c’est entrer dans la clarté, il est la lumière. Et le baptême est une illumination. Les catéchumènes dans ce temps de préparation aux sacrements de l’initiation chrétienne, vont vivre petit à petit cette illumination, au contact de la Parole de Dieu telle qu’elle est, ça veut dire avec la capacité qui nous est offerte de l’accueillir dans l’Esprit Saint. C’est en Eglise que nous pouvons accueillir la Parole de Dieu. Quand les baptisés vont être plongés dans la cuve baptismale, ils sont habillés de sombre parce que, d’une certaine manière, tant que nous n’avons pas été illuminés, sauvés par la Parole de Dieu, alors nous sommes dans les ténèbres. Et nous entrons dans la cuve baptismale comme on entre dans la mort. Mais pour être retirés de la mort avec Jésus pour entrer dans la vie éternelle. Le baptême est une illumination : que faisons-nous de cette lumière que nous recevons au baptême ? Est-ce qu’il ne nous arrive pas de l’éteindre ou de la mettre sous le boisseau ? Cette lumière n’est pas faite pour être mise sous le boisseau, mais sur le lampadaire, pour que tous ceux qui la voient marchent dans la lumière : « Vous êtes la lumière du monde », nous sommes la lumière du monde ! Christ est lumière et il nous communique cette lumière.
Comment peut s’accomplir ce chemin qui nous fait passer de l’esprit du monde, de notre incapacité à comprendre les choses, à renoncer à les maîtriser ? Car quand on ne les comprend pas, il y a deux solutions : soit nous cherchons à les maîtriser, ce qui fait dire aux Juifs « Tu as un démon ». Si je ne comprends pas, si je ne maîtrise pas, c’est qu’il y a quelque chose de contraire à moi, qui me contredit. C’est une réalité qui me veut du mal, et donc c’est le démon. Mais pas du tout ! Il y a un autre chemin : celui de l’humilité. Seigneur, donne-moi la grâce de comprendre, d’accueillir ta Parole. Je veux accueillir ta Parole comme un enfant accueille dans la confiance la parole de son père qui l’aime infiniment. Jésus nous dit qu’il faut demeurer dans sa Parole, même quand il y a des coupures. Hier, je disais dans les moments où il y a des coupures de réseau, demeurez, demeurez, continuez de prier intérieurement, ne coupez pas ! Continuez de prier. Quelqu’un me disait que pendant toute la messe, elle priait pour que ce message continue de passer. Et il continue de passer dans l’Esprit Saint. Parfois c’est comme ça : quand on n’a pas une réponse de Dieu qui nous parait assez claire, alors on coupe, on ferme la bible, on coupe l’écoute, en se disant qu’à un autre moment ça ira mieux. Jésus nous dit « Demeurez dans la Parole, demeurez en moi. Même si vous ne le voyez pas, je suis avec vous, je ne vous lâche pas la main. Des fois, il peut être salutaire de marcher dans la nuit pour sentir que ma main tient la vôtre, qu’elle ne vous lâche pas.
Jésus nous fait profiter de l’unité. Il ya cette affirmation que seulement Jésus connaît le Père, parce qu’avec lui toujours il était. Avant que tout ne commence, Jésus était le Verbe de Dieu, il était dans le Père, dans l’unité de l’Esprit Saint. Et ce qui est absolument époustouflant, et c’est le propre du christianisme, de la religion révélée, c’est que Jésus est venu pour nous établir dans l’unité de la Trinité. Et vous savez comment ça se passe : nous ne savons pas ce qui s’est passé dans le tombeau. Personne n’est témoin de ce qui s’est passé dans le tombeau. Mais Jésus a vécu une telle unité avec son Père, il s’est tellement nourri de la nourriture de son Père, « Ma volonté c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé », que quand il a été mis au tombeau, cette unité n’a pas été rompue, ce lien d’amour n’a pas été rompu. Et Jésus nous en fait profiter. Dans notre baptême, il nous établi dans l’unité, dans le cœur, dans la danse, dans l’Amour trinitaire. C’est un mystère que l’on ne mérite pas et c’est cela qui est tellement difficile. Jésus est venu nous annoncer la Vie éternelle comme un don gratuit. Nous n’avons pas à le mériter, à le gagner ; nous avons à l’accueillir par la vérité, comme le disait la Samaritaine « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. »
Et si j’accueille la vérité sur moi-même, alors je vais accueillir la vérité qui est Jésus et qui nous conduit à la vie éternelle. Dans la prière eucharistique, il y a cette très belle parole que je redirai tout l’heure, quand le célébrant met la goutte d’eau dans le vin : « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité. » Ainsi dans l’eucharistie s’accomplit ce mystère de l’unité et de notre plongeon dans la vie trinitaire. Nous ne le méritons pas parce que nous sommes des pécheurs. Et tout le déroulement de la messe, depuis le Kyrie jusqu’au dernier moment avant de recevoir la communion, « Seigneur, prends pitié, ô Christ prends pitié, Seigneur prends pitié ; je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole, cette parole dans laquelle aujourd’hui je décide de demeurer, dis seulement une parole et je serai guéri ». Alors nous pouvons entendre Jésus nous dire dans un émerveillement, dans une action de grâce, dans les joies des enfants qui se sentent aimés, établis dans la lumière, je peux entendre Jésus me dire « Je le suis, moi qui te parle. » Amen.