Dimanche des Rameaux et de la Passion -année A
Mt 21, 1-11 ; Is 50, 4-7 ; Ps 21(22) ; Ph 2, 6-11, Mt 26, 14-27, 66)
Frères et soeurs,
Après avoir écouté ce récit de la Passion qui nous est proposé en ce dimanche des Rameaux, après avoir écouté le psaume, nous pouvons prendre quelques instants de réflexion, en particulier sur l’évangile lu au début de cette célébration, l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem. Je voudrais vous proposer quelques réflexions.
La première chose, c’est que juste avant ce récit où Jésus entre à Jérusalem, il est passé à Jéricho. Et en sortant de Jéricho, il a guéri deux aveugles qui criaient vers lui. C’est déjà un premier élément qui attire notre attention : ils crient vers lui « Jésus, Fils de David, prends pitié de nous. » Ce cri, on le retrouve à d’autres moments, dans le récit de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem. C’est un peu comme un fil conducteur. Voilà que ces deux aveugles, au moment de l’entrée de Jésus à Jérusalem, ont la possibilité de reconnaître en lui le Fils de Dieu, celui qui est venu les sauver, qui leur a rendu la vue, et qui va leur rendre la vie, la Vie éternelle, pas seulement une amélioration de leur vie sur cette terre, mais une transformation radicale de leur existence. Et ils sont un peu, à l’occasion de cette porte d’entrée de la Semaine Sainte, les témoins privilégiés : Jésus vient leur ouvrir les yeux. Et nous avons plusieurs fois dans ces derniers jours fait l’expérience que Dieu a de nous transformer, de changer notre regard, de transformer notre manière de voir les choses, de les comprendre et de les interpréter. A plusieurs reprises, comme c’est le cas encore ici, nous faisons l’expérience de notre sclérocardie, selon l’expression du Pape François, de la dureté du cœur, des certitudes que nous avons, en nous appuyant sur des choses tout à fait légitimes, qui sont aussi liées au don de Dieu . Notre expérience, notre raison un peu trop raisonnante qui nous fait remettre en question ce que nous voyons, ce que nous entendons, parce que ça ne correspond pas à nos idées. Souvent, Jésus a été confronté à cette réalité là, et toujours avec la même détermination d’aller jusqu’au bout. Et nous savons que la victoire est certaine, et qu’elle passera sûrement par une transformation de notre cœur.
La deuxième chose que nous constatons, c’est cette espèce de paradoxe. C’est vrai que la Parole de Dieu est pleine de paradoxes : on a l’autorité de Jésus et c’est la première fois qu’il va se présenter comme le Seigneur. Jusqu’alors, il a toujours invité les témoins à ne pas le dire, c’est ce qu’on appelle le secret messianique, parce que les gens risquaient de faire une confusion entre l’idée qu’ils avaient du Messie et la manière qu’il avait de se présenter à eux. Mais maintenant, le moment est venu, et Jésus lui-même se présente comme le Seigneur pour réquisitionner cet ânon. Et tout le monde lui obéit. On voit bien cette autorité qu’on a déjà méditée. D’où lui vient-elle ? L’autorité de Jésus lui vient de sa filiation, du fait qu’il est vraiment le Fils de Dieu, et qu’il n’a jamais renoncé à cela. Vous vous souvenez que dans le récit de la tentation de Jésus au désert, le diable remet en question la filiation. Et il fait la même chose dans notre vie. Par tous les moyens, par ce qu’on appelle l’esprit du monde, le diable essaie de nous détacher de notre créateur, de notre Sauveur, de celui qui nous aime et qui est la source de notre vie.
Et par ailleurs, ce Seigneur, ce Roi, quand il entre dans la ville des rois, monte sur un âne, sur le petit d’un âne. Et c’est un signe ! S’il était monté sur un cheval, ce serait un roi guerrier. Là, il monte sur un âne, c’est l’entrée du roi qui vient apporter la Paix. Il est le Seigneur de la Paix, c’est ce qu’on trouve dans le livre de Zacharie.
Une autre chose, c’est qu’il a besoin de nous. Le cardinal Etchegaray disait, avec un certain humour, qu’il est l’âne de Dieu, sur lequel Jésus est monté quand il est entré à Jérusalem. Et que c’était un peu la fierté de cet âne de porter Jésus de cette manière là. Et c’est vrai que Jésus a besoin de nous ! Pas à prendre de manière littérale, mais il a choisi d’avoir besoin de nous, comme quand on a médité la multiplication des pains. Jésus demande aux disciples : « Apportez ce que vous avez. Et une fois que j’aurai accompli ce miracle de la multiplication des pains, je vous demande d’aller l’apporter aux autres et d’organiser les choses. » Vous vous rappelez ce très beau récit.
Et puis il y a le cri de la foule. On s’est déjà arrêté sur le cri de ces aveugles qui sont comme à la porte d’entrée de cette Semaine Sainte, ces témoins privilégiés à qui le Seigneur a ouvert les yeux et le cœur aussi sur ce qu’il est vraiment pour en accueillir toute la grâce. Et là on a cette foule, et selon ce passage du Premier Livre des Rois chapitre 1, cette foi tellement débordante que la terre se fend. C’est peut être une invitation sur notre joie parfois un peu light, par peur de passer pour des prosélytes. Un confrère parlait de « la joie grave ». Parfois, la joie est tellement grave qu’on a quelques difficultés à la voir sur notre visage ! La joie peut être profonde, très réaliste, mais les chrétiens sont invités à avoir un visage de joie. Pas la joie sensible, mais la joie qui vient de la certitude d’être aimé.
Et quand la foule crie « Hosanna ! » ça exprime autre chose. Hosanna veut dire littéralement « Sauve, je te prie ». Jésus, c’est « Dieu sauve et Dieu guérit » et dans cet Hosanna il y a la conscience par le don de l’Esprit Saint que celui qui vient, c’est celui à qui précisément nous pouvons demander de nous sauver et de le prier d’entrer dans cette relation. Le curé d’Ars disait que le chrétien, c’est un pauvre qui sait qu’il doit tout attendre de Dieu. Au terme de ce cheminement de Carême, au moment d’entrer dans la Semaine Sainte, est-ce que nous pouvons demander d’approfondir en Dieu cette vérité que nous sommes des pauvres et que nous avons besoin d’être sauvés ?
Et un peu comme en parallèle, il y a l’attitude de cette même foule quand ils entrent à Jérusalem. Et là, leur proclamation de foi n’est pas la même, elle est beaucoup plus craintive, elle est moins engagée, et c’est probablement lié, on peut le comprendre à l’influence des chefs à Jérusalem. Vous vous souvenez qu’au moment de l’Epiphanie, l’attitude de tous les habitants est assez craintive, comme s’ils percevaient le poids des grands, des chefs, des prêtres qui venaient faire peser une suspicion. Et comment cela peut nous influencer les uns les autres.
Et à l’inverse, c’est important que nous ayons conscience de ce que Jésus nous dit dans l’évangile « Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde. Si le sel perd de sa saveur, qu’est-ce qui donnera du goût ? » Le sel conserve et c’est important, mais en même temps c’est ce qui révèle le goût. Comme la lumière qui n’est pas là pour être cachée. Que nous soyons, d’une manière ou d’une autre, cette foule qui, au début de cette Semaine Sainte va accompagner Jésus, évidemment avec compassion parce qu’il y a tellement de nos frères et de nos sœurs qui vivent réellement la Passion, c’est le Seigneur qui vient les rejoindre dans ce temps d’épreuves de toutes les formes possibles. Que nous puissions accueillir, accompagner tous ces frères et sœurs, les accompagner en rejoignant le Christ et en même temps, que nous laissions grandir en nous la certitude, comme il est dit dans le Livre de l’Apocalypse, qu’il est venu accomplir toute chose nouvelle.
Et juste après ce récit, nous avons le récit des marchands du temple que Jésus vient chasser « Vous avez fait de la maison de mon Père une caverne de bandits. » Et là, on voit que les enfants crient. On retrouve ce cri, ce cri de joie ! C’est le cri des enfants. Jésus dit que le Royaume de Dieu appartient à ceux qui leur ressemblent. Le chef des prêtres demande « Faites les taire ! » Et ils continuent de crier…
C’est pour cela que je vous proposais comme fil rouge ce cri qui traverse tout ce récit. Ce cri qui est l’expression de notre confiance. C’est un cri qui ne fait pas beaucoup de bruit, mais quand on applaudit dans un stade, quand on fait la hola, on est capable de se faire entendre ! Que nous trouvions, chacun dans notre vie, la manière de faire entendre notre foi, de la partager. On peut utiliser les réseaux sociaux ! Ne la gardons pas pour nous-mêmes, c’est important que nous ayons des temps personnels avec le Seigneur durant toute cette semaine, pour approfondir notre foi. Mais s’il vous plaît, que dans ce temps, qui que nous soyons, quel que soit notre état de vie, que nous trouvions les moyens de partager notre foi. Le Seigneur fait appel à cette grâce qu’il a déposée en nous d’être témoins. Les chrétiens sont des témoins, des personnes qui n’ont pas peur de dire leur foi et de la partager avec la certitude qu’elle est vraiment contagieuse. Amen