Lundi de la Semaine Sainte -année A
Is 42, 1-7 ; Ps 26(27) ; Jn 12, 1-11
Je voudrais que pendant quelques instants, nous puissions méditer cette figure annoncée par le prophète Isaïe, cet « élu qui a toute la faveur de Dieu ». C’est vraiment le Christ qui a reçu la plénitude de l’Esprit Saint et qui est venu pour annoncer le Royaume de Dieu, un Royaume de justice et de vérité. Un messie qui restera dans l’humilité, la douceur et la tendresse, qui parlera plus par ses actes et par toute sa vie que par des discours. Et qui prendra soin de toute personne fragile, de toute personne qui vit dans la pauvreté de sa vie et la pauvreté du cœur. « Il n’éteindra pas la mèche qui faiblit » il en prendra soin, il la protégera.
Que pendant ces secondes de silence avant de poursuivre cette méditation nous puissions nous considérer comme ces pauvres, ces pauvres de cœur, ces « Anawins » dit l’Ecriture, dont le Seigneur est venu prendre soin. Nous n’avons pas à chercher à être forts par nos propres forces mais forts en Dieu, forts en Christ. Et nous remettre entre ses mains comme de petits enfants vulnérables et fragiles, que nous n’ayons pas peur de reconnaître notre peur et nos inquiétudes, que nous ne la jugions pas en nous disant « Je suis nul, incapable de quoi que ce soit ». C’est probablement la vérité que nous sommes incapables, mais en Dieu nous sommes capables de tout.
Le Seigneur “donne le souffle au peuple qui l’habite” : il nous donne son souffle, son Esprit Saint, il nous donne le respir. Et au regard des symptômes de cette maladie terrible qui s’en prend à notre capacité de respirer, redécouvrons que sans Dieu, sans l’Esprit Saint, nous ne sommes pas vraiment vivants. C’est L’Esprit Saint qui nous donne le respir, qui nous donne la vie, qui nous donne l’être.
Maintenant nous pouvons méditer cette très belle figure, toujours au cœur de cette famille que Jésus aimait, où il aimait se retrouver, Marthe, Marie, Lazare et tout ce qui se passe autour. Comme d‘habitude, nous sommes invités à contempler chacun des participants. Et peut-être demander dans l’Esprit Saint de savoir auquel nous pouvons et nous devons nous identifier pour demander au Seigneur de nous convertir. Nous nous souvenons que la grâce de la Parole de Dieu, si nous voulons discerner notre accueil de la Parole, doit produire un fruit de conversion. La Parole de Dieu est venue comme un glaive à double tranchant pour notre conversion. D’abord, pour la conversion des autres, et pour la nôtre, cette conversion, ce retournement, cette metaïona, cette tranformation du coeur, cette ouverture du cœur.
Il y a ce geste absolument incroyable de Marie qui va verser sur les pieds de Jésus ce parfum d’une très grande valeur, qui équivaut à peu près à 300 jours de travail, une somme énorme, surtout si on la considère dans ce temps de confinement où la vie économique prend un coût douloureux. Ce prix, je ne sais pas si on peut le considérer comme un prix matériel, mais il est significatif de la valeur du geste de Marie. C’est un geste d’une très grande valeur.
Et Jésus, comme d’habitude, va prendre la mesure de ce geste. C’est comme la veuve du Temple qui met deux petites pièces alors que tous les autres mettent beaucoup d’argent en se montrant. Elle, d’une manière discrète, met tout ce qu’elle a et aussi son indigence : elle met ses deux petites pièces et en même temps, elle donne aussi ce qu’elle n’a pas. Et Jésus est le seul à pouvoir remarquer la valeur de ce geste. Là, de la même manière, il remarque la valeur du geste de Marie, un geste d’une valeur énorme. Et également un geste d’une grande gratuité ! Il est l’expression de son amour, mais il n’attend rien en retour. C’est vraiment la charité pure.
En même temps, c’est un geste prophétique et là aussi, Jésus attire notre attention. C’est pour cela que Saint Jean nous remet dans le contexte : Jésus vient de rappeler Lazare à la vie. Vous avez remarqué qu’à la fin de ce récit, il va mourir une deuxième fois. Parce que ce n’est pas la résurrection. Jésus a réanimé Lazare, c’est une annonce de la résurrection, il est la résurection ; mais ce n’est pas à ce moment la résurrection définitive de Lazare, elle aura lieu dans un deuxième temps.
Marie pose un geste prophétique de l’ensevelissement. Jésus est vraiment la résurrection puisqu’il a connu la mort, l’a traversée, l’a vaincue, faisant de la mort le passage pour entrer dans la vie éternelle. Marie en posant cet acte prophétique, dont je ne sais pas si elle a conscience, mais son âme oui, vient confirmer Jésus dans sa mission, dans le plein accomplissement de cette heure pour laquelle il est venu pour accomplir la volonté de Dieu, glorifier son Père, c’est à dire manifester la plénitude de son Amour. Et qu’en retour le Père le glorifie et que nous soyons glorifiés avec lui.
Je voudrais aussi attirer votre attention sur la manière d’accueillir ces gestes. Parfois on regarde avec un peu de condescendance, de pitié, certains gestes d’amour qui paraissent totalement dérisoires, qui ne correspondent pas à notre sensibilité. Alors, on les juge d’un peu de haut : il faut savoir accueillir ces gestes avec le regard de Jésus. Je pense que dans le ciel, nous serons assez surpris de tous les fruits qu’ont portés certaines dévotions. Je pense que je dois ma vocation en particulier à la prière de ma grand-mère paternelle. Elle souffrait d’un cancer des os et mordait un chiffon quand elle avait mal : elle passait plusieurs fois par jour devant une icône de Jésus et offrait cela. J’ai eu les signes que je dois ma vocation pour beaucoup à ma grand-mère paternelle, la mère de mon père.
Souvent, nous assistons à des prières, des dévotions qui nous paraissent dépassées, et qui pourtant sont dans le coeur de Dieu, parce qu’il perçoit la gratuité, la richesse inouïe de ces dévotions, parce qu’elles viennent vraiment du coeur et ne cherchent pas à se montrer (vous avez vu comment Marie n’a pas de considération pour le jugement des autres, elle agit selon son coeur).
Le cardinal Hummes qui a lancé les cénacles pour la maternité mariale et les vocations sacerdotales et religieuses, avait édité plusieurs témoignages. Notamment un des papes qui avait dû sa vocation et la fécondité de son apostolat à la prière d’une religieuse. Un jour, il va visiter un monastère, toujours avec cette conviction qu’une religieuse avait prié pour lui. Il y a là toutes les religieuse présentes, et le Seigneur met dans son coeur que la religieuse qui prie pour lui n’est pas là. Il demande à la mère supérieure s’il n’y a pas une autre soeur. Oui, il y a une une petite soeur agée qui ne sort plus de sa cellule depuis des années, qui n’est plus capable de faire grand chose. Il demande à la rencontrer et il reçoit dans le coeur que c’est elle qui précisement, par sa prière, a permis la fécondité de son ministère. Je crois que c’était Paul VI.
Demandons au Seigneur d’établir dans notre coeur la gratuité de nos actes d’amour, sans considération, sans chercher à ce qu’ils soient efficaces à nos yeux, c’est la gratuité de l’amour. Comme un enfant qui offre un cadeau, un dessin, un bouquet de fleurs à sa maman : il y a mis tout son coeur, et c’est cela qui est important. En opposition vous voyez, l’hypocrisie de Judas qui dit qu’il faut garder ça pour les pauvres. Parfois, on pourrait avoir des actes de charité qui ne seraient pas tout à fait ajustés et adaptés, opportuns. Que le Seigneur change notre coeur à ce niveau là si nous en avons besoin. Nous avons confiance en lui. Amen.