Homélie du mercredi 8 avril 2020 – Père Gilles Rousselet

9 Avr 2020 | Actualité, Homélies

Mercredi de la Semaine Sainte -année A

Is 50, 4-9a , Ps 68(69), Mt 26, 14-25)

Vous avez entendu dans la première lecture lue par Françoise de la communauté de Saint Jean le Blanc, cette attitude du disciple : “Chaque matin, le Seigneur éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute.” Cette grâce d’ouverture de mon oreille, que je sois disciple car le disciple est celui qui écoute, dès le matin, c’est le Seigneur qui accomplit ce miracle. C’est vrai que la relation d’alliance avec Jésus, cette relation réciproque, est le fruit d’une grâce. Nous avons à avoir conscience que le Seigneur vient ouvrir notre oreille, l’oreille de notre coeur, pour que nous puissions l’entendre et l’écouter. C’est le premier commandement “Ecoute, Israël !” un Juif pieux connait bien ça. Après, c’est comme pour chacun d’entre nous, il y a une différence entre savoir les choses et les mettre en pratique !

Vous avez vu que le disciple est celui qui ne se dérobe pas à la grâce : parfois on peut dire le matin “Non, Seigneur, vraiment c’est trop tôt pour moi ! Je n’ai pas envie, ce n’est pas le moment”, contrairement à Judas qui cherche le moment opportun pour accomplir sa forfaiture. Pour Dieu, le bon moment est le moment qu’il choisit lui, c’est la grâce de l’instant présent. Et en contradiction, il y a justement comment nous pouvons chercher à organiser notre propre vie, notre plan, en déterminant quelles sont nos opportunités ; Judas cherche l’opportunité de le faire arrêter.

Demandons au Seigneur en ce temps béni, en cette semaine qui nous prépare à vivre le Triduum pascal, de venir ouvrir l’oreille de notre coeur et la grâce de ne pas nous dérober à ce réveil. On peut imaginer ce geste : “Tais-toi, réveil !” Que le Seigneur nous donne cette joie et mette dans notre coeur un chant de louange. C’est vrai que nous avons cette opportunité d’avoir la messe le matin à 8h, (bon, c’est tôt !) mais c’est une grâce. En retour, comme le Seigneur a semé sa Parole en nous, parce que nous l’écoutons, nous devenons inébranlables dans les épreuves. C’est la grâce du disciple : s’il y a des attaques contre nous, quelles qu’elles soient, l’écoute de la Parole de Dieu nous rend inébranlables, solides comme un roc car nous sommes appuyés sur la Parole de Dieu, pas sur nous-mêmes. C’est une grâce de cet instant de voir nos vulnérabilités.

Hier, nous avions la rencontre avec les Equipes d’Animation Locale sur cette platerforme Zoom. Nous étions très contents de nous revoir, même de façon virtuelle. Nous avons partagé sur nos fragilités : le temps du confinement, ce temps où nous sommes soumis à cette maladie terrible, est un temps où nous prenons conscience de nos fragilités, de nos vulnérabilités. Et alors nous avons besoin d’un appui plus fort.

Pour l’évangile, c’est le croisement entre deux opportunités. On peut se demander pourquoi Judas agit de cette manière là. C’est prémédité, bien sûr il était soumis à la tentation du démon qui l’a détourné de la vérité et de la confiance en Jésus. Mais en même temps, il s’est laissé aller à cet amour de l’argent : “Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ?” Ils ont évalué le prix de Jésus qui est le prix d’un esclave. C’est l’argent qui intéresse Judas, il va, après, le regretter amèrement. Il cherche le moment opportun, c’est vraiment prémédité ! C’est une des caractéristiques du péché : c’est la différence entre la tentation où le diable veut me faire tomber, et le péché où j’entre dans cette démarche-là, et parfois avec les meilleures intentions que je me donne. Ce n’est pas moi qui détermine quelles sont les vraiment bonnes intentions, c’est le Seigneur lui-même qui éclaire ma conscience. À la mesure où je me suis mis à son écoute en me laissant ouvrir mon oreille dès le matin avec un chant de louange, le Seigneur va me conduire, conduire mes discernements, conduire mes choix. Il n’y a pas de doute, parce qu’il est vivant, qu’il est avec nous, que c’est ce qu’il veut.

Il y a là cette oppositon entre la préméditation de Judas qui veut faire arrêter Jésus, et cette détermination de Jésus, pas qu’il contrôle tout comme un marionnettiste mais qui est maître du temps, maître des événements. Il faut mieux être de ce côté là.

La deuxième chose que je voulais souligner avec vous, c’est cette Parole un peu mystérieuse de l’évangile : “C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.” Il y a un autre passage dans l’évangile, quand Jésus rencontre Zachée juste avant d’arriver à Jérusalem, peu de temps avant dans l’ordre chronologique des événements de la vie de Jésus : “Zachée, descends de ton arbre, il faut que je vienne demeureur chez toi.” Dans ton oïkos, dans ta maisonnée. Je vous avais fait un enseignement  sur l’oïkos et je vous invite vraiment à approfondir, à demander au Seigneur de vous révéler les membres de votre oïkos : c’est votre maisonnée, mais c’est aussi les personnes que vous pouvez contacter, inviter à une rencontre par Zoom comme nous ne faisons de plus en plus (je pourrais vous expliquer comment ça marche, c’est vraiment très simple de fonctionnement) et ça permet de faire vivre vraiment un oïkos, une maisonnée. Et d’ensemble partager ce que le Seigneur nous a donné. Je sais que beaucoup d’entre vous le font, d’une manière ou d’une autre. Je vous invite à poursuivre cette démarche. Pourquoi ? A cause de ce que Jésus dit dans l’évangile : “C’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples”. Sile Seigneur  vient chez nous célébrer la Pâque avec ses disciples, vous imaginez combien nous allons recevoir de grâces ! Il y a eu de très beaux enseignements du pape François, dont deux dans des domaines très importants, celui de la réconciliation et celui de l’eucharistie. Il nous a dit que nous pouvions recevoir les grâces de ces sacrements. Pourquoi ? Justement parce que le Seigneur, dans ce temps de confinement, veut vivre la Pâque chez nous. Chacun de nous peut dire que le Seigneur veut vivre sa Pâque chez nous. Habituellement nous nous retrouvons dans l’église, et je sais que la Vigile de Pâques est la célébration la plus importante de l’année, et qui rassemble le plus grand nombre de chrétiens. Pas forcément des chrétiens qui viennent à la messe tous les dimanches, mais des chrétiens qui viennent à ces occasions là, comme aux Rameaux ou à Noël. Le Seigneur, et c’est vraiment la grâce de l’instant présent, veut nous donner la grâce de la miséricorde quand, en vérité, nous reconnaissons nos péchés devant lui, en nous engageant, bien évidemment, à accomplir tout ce qui doit être accompli. De la même manière il nous donne les grâces de l’eucharistie.

Je vous rappelle une présentation que je vous avais donnée :

“Faire une communion spirituelle consiste à faire un acte de foi et de désir de la communion eucharistique en demandant à Dieu de verser en nous les grâces que nous aurions aimé recevoir en communiant sacramentellement mais que nous ne pouvons pas recevoir ici et maintenant. Cette communion non sacramentelle porte les fruits du sacrement car si le Seigneur a lié sa grâce aux sacrements, le Seigneur n’est pas lié par ces sacrements : il peut et, de facto, il donne sa grâce aussi en dehors de la réception des sacrements. Cette forme de communion suppose la foi et la charité, donc l’état de grâce.”

C’est pareil pour le sacrement de la réconciliation.

 Et dans ce temps de Pâques, le Seigneur nous dit, de manière mystérieuse : “Alors que tu es confiné chez toi, c’est chez toi que je veux célébrer la Pâque avec mes disciples.”

Alors préparons-nous à l’accueillir de cette manière là. Je vous invite vraiment à vous connecter aux heures de célébrations pour que nous soyons ensemble réunis, sachant que le Seigneur va venir célébrer la Pâque avec nous. Amen