Homélie du dimanche 12 avril 2020 – Père François Jourdan

13 Avr 2020 | Actualité, Homélies

Résurrection du Seigneur – Ac 10, 34a.37-43 ; Ps 117 (118), Col 3, 1-4 ; Jn 20, 1-9

Cette fête de Pâques est l’accomplissement. Quand Jésus meurt et dit « Tout est accompli » mais pas complètement. Il s’est donné, mais il va continuer à se donner. J’aime la finale de cet évangile que nous venons d’entendre : « Jusque là les disciples n’avaient pas compris que selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » Même si Jésus avait fait quelques annonces dans ce sens, ils n’avaient pas compris !

D’ailleurs, ils ne se sont pas précipités et ce sont les femmes les premières. On nous parle de Marie-Madeleine, mais elle dit bien « On a enlevé le Seigneur de son tombeau et nous ne savons pas où on l’a déposé. » Elle n’est donc pas toute seule !

Elle ne croit pas encore à la résurrection : son corps a été volé… On reste encore à vue humaine et c’est compréhensible, bien évidemment. Ce qui fait que nous devons comprendre que nos amis du judaïsme et de l’islam n’acceptent pas notre foi. Pour les Juifs, si Jésus est mort sur la croix, c’est la preuve que ce n’est pas le Messie. C’est invraisemblable que le Messie du Seigneur meure de cette manière-là ; invraisemblable ! Sur ce point, ils ne nous suivent pas, ou du moins ceux qui restent Juifs dans la tradition traditionnelle. Mais tous les premiers chrétiens étaient des Juifs.

Et nos amis de l’islam, ils nient carrément ce fait. Parce qu’un prophète relativement important comme le prophète Jésus ne peut pas être abandonné par Dieu, c’est impossible. Pour eux, il n’est pas mort sur la croix. Le coran ne le dit pas mais c’est la foi musulmane. Si on veut se comprendre, il faut prendre la mesure que c’est une difficulté.

Et il y a même parmi nous des chrétiens qui quittent la foi chrétienne parce que c’est invraisemblable. Quand on veut rester à vue humaine, oui ! Mais je serai sensible aussi, et on ne le dit sans doute pas assez, aux périodes des hérésies : il y a eu aussi des contestations, c’est bien plus tard qu’au moment du témoignage des apôtres. Y compris Saint Paul qui va arriver 15 ans après, il est environné de témoins et il n’y a personne qui discute le témoignage, il est clair. Alors, même si au tout début les apôtres n’y ont pas trop cru, le soir même de Pâques et plusieurs jours après, ils ont vécu plusieurs semaines avec la présence du Christ ressuscité visible. Et ça c’est absolument hors norme ! Et notre foi repose là-dessus. Dans la première lecture des Actes des Apôtres, on a le témoignage de Pierre : « Nous qui avons mangé et bu avec lui, le Christ ressuscité, après sa résurrection d’entre les morts ». C’est dans les Actes des Apôtres et dans leur témoignage de vie. Et puis il a accueilli Saint Paul : dans les lettres de Saint Paul, la résurrection du Christ est un monument, alors qu’au début il était contre.

La foi nous donne un autre regard sur Dieu, sur nous-mêmes, sur les autres, sur le monde. Et ce n’est pas le regard des hommes. C’est pour cela que Saint Paul, dans le passage de la Lettre aux Colossiens que nous avons eu, le dit directement. C’est formidable comme il a bien compris : « Si vous êtes ressuscités, avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut ». Il ne faut pas se tromper. On s’embourbe et on le voit avec les réalités de ce monde, avec ce virus. Il va falloir reprendre les choses autrement, oui mais comment ? Avec un autre regard, il faut bâtir le monde autrement, pour résister à tout ça et à toutes ces fragilités et vivre autrement. Les milliardaires qui pullulent maintenant de plus en plus depuis 40 ans, tous les économistes le disent : les finances internationales ne vont pas bien. Et on n’est pas prêts pour faire face au virus ou à un tas de choses…

« Si vous êtes ressuscités ». Ah, parce que nous, nous sommes ressuscités ? Voilà, nous entrons, nous sommes appelés, depuis notre baptême. Si nous voulons bien en vivre, il ne suffit pas d’être baptisés évidemment, nous entrons dans la résurrection du Christ. En traversant sa mort, nous entrons dans sa résurrection : c’est le mouvement pascal, et nous sommes invités à le vivre toute l’année, pas seulement le jour de Pâques évidemment. « Pensez aux réalités d’en haut, et non pas à celles de la terre » : on ne les oublie  pas, mais elles sont soumises à cette vision nouvelle qui voit beaucoup plus loin que les apparences, qui voit les manières d’être de Dieu qui est amour, c’est pour cela qu’il se donne. Quand on dit « Dieu est Amour », ce n’est pas comme cela, en l’air. Il y a des gens pour qui le mot amour ne veut plus rien dire en français. Il faut préciser : là, c’est costaud, c’est même choquant. C’est un blasphème pour nos amis du judaïsme et de l’islam. Et non, c’est une merveille : ce n’est pas blasphématoire, au contraire, c’est un visage de Dieu qui accomplit l’alliance d’Abraham d’une manière que nous n’avions pas pensée. « Vous êtes passés par la mort » dit Saint Paul « votre vie reste caché avec le Christ, en Dieu. Et quand paraîtra le Christ, votre vie (belle expression de Saint Paul) pour moi vivre, c’est le Christ » : le Christ ressuscité, qui se donne. Et dans tous les sacrements, et notamment dans nos eucharisties, c’est Dieu qui se donne, parce qu’il est amour et qu’aimer c’est se donner, se donner sans réserve. Il les aima jusqu’au bout : cette dynamique profonde de notre foi qui est très surprenante, qui resplendit d’authenticité.

Alors, c’est pour nous, y compris dans les périodes un peu plus difficiles, c’est pour nous une force considérable. Parce que le Christ lui-même, Dieu lui-même, s’est investi pour le monde, s’est affronté et ça n’a pas été facile non plus. Nous continuons cet affrontement en réalité, pour vivre de cette manière d’être de vivre du cœur de Dieu vis-à-vis de nous, nous avons à l’être vis-à-vis de tous nos frères.

Alors, bonne fête de Pâques dans votre vie !