Mercredi de l’Octave de Pâques – Ac 3, 1-10 ; Ps 104 (105), Lc 24, 13-35
Comme introduction, je m’arrête quelques secondes sur ce récit des Actes des Apôtres, que nous avons vraiment à méditer dans ce temps pascal et en particulier jusqu’à la Pentecôte, parce qu’on voit comment l’Esprit Saint reçu par les Apôtres à la Pentecôte les a complètement transformés.
Il y a ce miracle de la guérison de cet homme, infirme de naissance, installé chaque jour à la Porte du Temple, pour recevoir quelque chose. La “Belle Porte”, c’est le Christ Jésus, ce n’est pas nous, ce n’est pas quelqu’un d’autre, c’est Jésus, la porte des brebis qui les fait passer par cette porte. Cet homme s’attend à ce que ces personnages entourés d’une certaine aura, puissent lui donner quelque chose, de l’argent. Et voilà que ces deux personnes posent son regard sur lui : “Tu vois bien, nous n’avons rien, mais ce que nous avons nous te le donnons. Au nom de Jésus, lève-toi.”
Je ne sais pas ce que nous avons comme talent, comme capacité. Mais en tout cas, nous avons reçu à notre baptême le nom de Jésus et il nous appartient, pas comme quelque chose mais comme un don de Dieu, une relation, une alliance où il accomplit tout en nous. “Malheureux êtes-vous si vous oubliez que sans moi vous ne pouvez vivre. Mais tout ce que vous demanderez en mon nom, mon Père vous l’accordera.” Et voilà que ces deux apôtres se sont entendus et, au nom de Jésus, ont dit à cet infirme de naissance : “Lève-toi ! Au nom de Jésus, lève-toi”.
Je pense que si nous organisons ce temps Bartimée dimanche prochain, à l’heure de la divine miséricorde, c’est parce que nous croyons vraiment que nous avons reçu le nom de Jésus et qu’en son nom, nous pouvons lui demander qu’il accomplisse des miracles, la réalité même du Royaume de Dieu.
Je pense que nous avons besoin que nos yeux s’ouvrent. C’est important de regarder comment Dieu procède, de manière assez ordinaire. Ordinaire dans le sens où l’eucharistie et les sacrements font partie de la vie ordinaire des chrétiens.
D’abord, vous avez vu cet itinéraire, car il sagit bien de cela : Jésus va faire faire un itinéraire à ces deux pèlerins. Vous remarquerez qu’il y a un des deux dont on ne connaît pas le prénom. Ce n’est pas la première fois : Thomas veut dire “jumeau” et on se demande bien de qui il est le jumeau. Là, il y a deux pèlerins, un dont on connaît le prénom “Cléophas” et l’autre non. Je vous invite, en cet instant, à prendre la place, elle est large, elle peut accueillir beaucoup de monde, de cet autre témoin qui va cheminer avec Jésus.
Deuxième chose : Emmaüs. On n’a jamais trouvé trace de ce village. On sait qu’il est à une certaine distance de Jérusalem, deux heures de marche. C’est un petit plus long que le temps d’une messe, à moins que ce soit une fête ! En tout cas, ça représente un certain itinéraire. Emmaüs, c’est l’itinéraire que nous entreprenons avec Jésus pour que quelque chose change en nous de façon radicale. On peut reconnaître assez clairement que ce récit a une structure eucharistique. Et c’est même d’une certaine manière sur la structure des pèlerins d’Emmaüs qu’est construite la structure même de notre eucharistie.
Pourquoi est-ce important ? D’abord, pour découvrir que c’est vraiment un don de Dieu. Et pour comprendre ce qui se passe dans chaque eucharistie. Parce que si nous comprenons vraiment ce qui se passe, nous pourrons y participer d’une manière renouvelée. C’est ce qu’on appelle un récit de recréation. Je vais y revenir.
Avant, regardons les 4 étapes de nos célébrations :
Le premier temps, c’est la liturgie de l’accueil. Jésus prend l’initiative de venir à la rencontre de ces deux hommes. Il passe un peu pour un naïf : “Tu est bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les énévement de ces jours-ci.” Jésus, et c’est souvent le cas, nous interpelle “Allez-y, dites ce que vous ressentez….” Et il les écoute, il les écoute longuement. On ne sait pas combien de temps ça prend sur la durée de la marche, mais vraiment il les écoute. C’est le temps de l’accueil dans nos eucharisties : arriver en ayant conscience que c’est Jésus qui nous rassemble et nous rejoint. C’est important de réaliser que pendant la messe, même si parfois ça nous saoûle et qu’on n’a pas envie de venir, c’est Jésus qui nous rejoint. Et si quelqu’un peut dire qu’il n’a pas besoin d’être rejoint par Jésus, surtout quand il porte un fardeau comme celui du pèlerin d’Emmaûs, leur découragement, leur tristesse…. Ils sont tellement tristes qu’ils sont empêchés de le reconnaître. C’est vraiment leur désespoir qui empêche les pèlerins de reconnaître Jésus. C’est la première étape.
La deuxième étape est une extraordinaire liturgie de la Parole. À partir de tout l’Ancien Testament, et nous nous y ajoutons le Nouveau Testament, à partir de tout ce qui a été révélé dans les Écritures, Jésus va leur dire que tout était dans les mains de Dieu. Il va ouvrir leur esprit à l’intelligence des Écritures. Les pèlerins disent “Il nous ouvrait les Écritures”. C’est le miracle extraordinaire de la messe. Evidemment c’est lié à la préparation de la liturgie, à la prédication. Mais c’est d’abord lié à la puissance de l’Esprit Saint qui agit dans chaque eucharistie. Il nous ouvre l’esprit à l’intelligence des Écritures. On n’a finalement pas grand chose à faire d’autre que de se laisser faire, d’être là et de se laisser travailler par la Parole de Dieu. Et de ressentir que “notre cœur n’était-il pas tout brûlant tandis qu’il nous parlait des Écritures” quand nous écoutons la Parole de Dieu. Comment notre cœur peut-il être fermé au point que nous puissions sortir de la messe, sans que rien n’ait changé, au moins en apparence ?
Après il y a la liturgie de l’eucharistie. Quand ils arrivent à l’auberge, il se passe quelque chose qui doit attirer notre attention : “Jésus fit semblant d’aller plus loin.” On dit qu’on nous force, mais non ! À un moment, Jésus dit “Est ce que tu veux qu’on continue cette rencontre ? “ Et on peut rester à la messe, sans avoir vraiment décidé ou demandé à Jésus que cette rencontre continue. On peut être là, faire tapisserie… Il y a un moment, après la liturgie de la Parole, plutôt que de regarder notre montre en disant que c’était long encore, à ce moment là, qu’on puisse se dire “Seigneur s’il te plaît, fais que je rentre avec toi”. C’est vraiment ça dans l’eucharistie, c’est Jésus qui nous reçoit.
À la fraction du pain, référence à l’institution de l’eucharistie le jeudi saint, ils le reconnaissent “mais il disparut à leurs regards”. C’est ce qu’on appelle un récit de recréation “Leurs yeux s’ouvrirent”. Vous rappelez-vous le premier moment dans les Écritures où les yeux s’ouvrent ? C’est dans le Livre de la Genèse, quand Adam et Eve, après l’intervention du serpent, découvrent qu’ils étaient nus : “Leurs yeux s’ouvrent et ils reconnurent qu’ils étaient nus.” C’est le contraire de la foi.
C’est pour cela que dans Saint Luc il y a un récit de re-création : l’intervention de Jésus va recréer la structure fondamentale de la foi. Leurs yeux s’ouvrent et ils sont dans la foi ; c’est la raison pour laquelle ils n’ont plus besoin de le voir : ils croient. Bien sûr, il faut un long chemin, mais c’est exactement ce qui se passe dans chaque eucharistie. On ne peut pas s’en passer, ce n’est pas possible ! Qui d’autre, qui d’autre que le Seigneur peut accomplir le miracle, dans chaque eucharistie, de ce qui s’est passé pour les pèlerins d’Emmaus ? Après, on peut dire “Mais je n’ai pas la foi, j’ai perdu la foi, je ne comprends pas le sens de ma vie…” D’accord, et bien c’est la raison pour laquelle le Seigneur nous a révélé la structure de l’eucharistie dans les pèlerins d’Emmaüs. Il dit : regardez ce que je peux faire pour vous, à condition que vous acceptiez de rentrer dans cette démarche, dans ce compagnonnage avec moi. Là ça dure deux heures, mais nos eucharisties le dimanche et en semaine durent bien moins longtemps que ça. Peut être de crainte que ça ne nous lasse. Mais il y a le même miracle : Jésus ouvre notre esprit à l’intelligence des Écritures et quand on va prendre part avec lui au repas, notre foi va s’ouvrir, s’épanouir dans la plénitude, et de plus en plus.
La dernière étape de cette structure eucharistique, c’est l’envoi.
Deux choses : si on est en retard à la messe, il y a quelque chose qui ne se fait pas. Vous imaginez les autres derrière qui courent ce dimanche-là. Jésus rencontre les pèlerins d’Emmaüs parce qu’ils sont à l’heure. Et les autres derrière, il y a tout un aspect qu’ils vont manquer.
Mais imaginez que vous quittiez la messe avant la fin : la quatrième étape qui est l’envoi en mission ne peut pas avoir lieu de la même façon. Ce qui est très beau, c’est que dans la rencontre avec les apôtres, il y a une confirmation mutuelle de la résurrection. Les apôtres disent “Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. Alors, à leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé.” L’Église nous confirme que Christ est ressuscité et nous, dans notre témoignage, nous confirmons qu’il est ressuscité. On a besoin de ça !
Je crois qu’il faut vraiment arriver à l’heure à la messe, même un petit peu avant pour s’y préparer, et ne jamais quitter la messe avant la bénédiction et l’envoi, parce qu’il manquera cette confirmation dont nous avons tellement besoin pour être affermis dans la foi.
Je vous souhaite vraiment que votre cœur soit brûlant. Et nous pouvons demander à l’Esprit Saint qu’il vienne mettre le feu dans notre cœur afin que nous puissions nous nourrir de sa Parole, que le Seigneur vienne renforcer notre foi. C’est le plus grand miracle : que nos yeux s’ouvrent sur la réalité de la présence du Seigneur dans notre vie et que nous soyons affermis dans notre témoignage. Amen