2ème semaine du Temps Pascal année A – Ac 5, 27-33 ; Ps 33(34) ; Jn 3, 31-36
Dans la première lecture des Actes des Apôtres, nous avons ce lien établi entre l’obéissance à la volonté de Dieu et le don de l’Esprit Saint, avec Pierre qui manifeste à quel point il a été transformé : ce n’est plus le même homme. C’est-à-dire c’est le même homme et en même temps, il est transformé de l’intérieur. Il y a quelque chose qui se passe par la grâce de la résurrection : nous restons nous-mêmes, et en même temps toutes nos potentialités humaines, tout ce qui nous constitue de manière unique comme créature de Dieu, comme enfant de Dieu, est comme réorienté vers la lumière. C’est un peu comme ce travail à faire avec des cellules photovoltaïques : nous devons les orienter vers la lumière pour qu’elles puissent la recevoir et la transmettre aux autres. « Vous êtes la lumière du monde » et c’est vraiment ce qu’accomplit la grâce de Dieu.
Et c’est vrai pour tout en fait : tout ce qui est inné, tout ce qui est acquis en nous, et même nos blessures. Comment sont-elles guéries par la résurrection ? En devenant le lieu du passage le plus puissant pour la grâce. C’est Péguy qui parle de ces cœurs qui sont recouverts d’une couche de vernis qui les rend complètement impénétrables. Et il y a des cœurs tout rayés de l’intérieur et qui laissent vraiment passer la lumière.
Pierre, reste le même homme, il est bien lui-même. Y compris sa grande générosité « Seigneur, je donnerai ma vie pour toi ». C’est un fait, Simon-Pierre va donner sa vie pour le Christ. Mais il faut que cette énergie, son désir de donner sa vie en lui qui est humain, trop simplement humain, comme détaché de Dieu, soit orienté et traversée par la grâce. De fait, il va vraiment donner sa vie. D’ailleurs Jésus lui dit « Tu étendras les mains et quelqu’un te nouera la ceinture et t’emmènera là où tu ne voulais pas aller. » Mais à ce moment, il voudra bien y aller.
Ça c’est dans les Actes des Apôtres. Et il y a une indication importante : c’est l’obéissance à la volonté de Dieu. «Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » Plus obéir à Dieu qu’aux hommes, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas obéir aux hommes ni les mépriser, mais écouter Dieu. Et parfois ça nous met dans une situation de tension très forte que nous n’aimons pas. Ça peut vraiment nous mettre en situation de conflit, alors qu’on préférerait peut-être être en paix avec tout le monde, mais au prix de ce qu’on appelle la « pax sagrada » : une paix sacrée qui est une espèce de paix de compromis, d’absence de conflits, de non engagement. Ce serait quelque chose comme cela. Alors que si nous obéissons vraiment à Dieu, nous recevons l’Esprit Saint et comme ça a été le cas de beaucoup de témoins, dans les Actes des Apôtres en particulier. Il y a cet état de tension intérieure qui n’est pas forcément facile à vivre, c’est un fait.
Dans l’évangile, nous avons 7 fois ce mot « celui ». C’est lié à la coupure des versets 31 à 36. 7 fois, c’est le chiffre de la perfection et on a comme une invitation à une identification. C’est un peu comme l’hymne à la charité. J’aime bien présenter les choses de cette manière-là dans cet hymne : partout où il y a le mot « amour » : « L’amour ne se lasse pas, ne se met pas en colère, excuse tout, rend service, ne se gonfle pas d’orgueil…. » que nous puissions mettre notre prénom à la place. Et ça peut être un excellent examen de conscience. L’hymne à la charité que vous connaissez presque tous par cœur et qui est facile à retrouver. (Première lettre de Saint Paul aux Corinthiens 1 Co 13, 1-13 – NDLR). Et à chaque fois qu’il y a le mot amour que nous mettions notre prénom et que nous puissions voir si c’est ajusté. Et si ce n’est pas le cas, demandons au Seigneur de nous ajuster, comme je le disais tout à l’heure à propos de la première lecture.
Évidemment, c’est d’abord une identification au Christ : « Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous.» Il est au-dessus de tous. Attention, être au-dessus de tous n’est pas une position de domination ; c’est une position de clarté, de vérité, d’authenticité. Et qui est toujours au service des autres. Comme en contraste à « Celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous.» il y a en opposition « Celui qui est de la terre est terrestre » Il y a un contraste, y compris avec le dernier verset : « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle » Et là, j’espère mettre mon prénom et chacun de vous.
« Celui qui refuse de croire le Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui. »La Parole de Dieu est polarité : on est tenu de choisir, ce n’est pas possible d’être entre les deux. C’est pour ça que la Parole de Dieu dit « Je vomis les tièdes » parce qu’il y aurait une espèce d’entre deux, alors que nous voyons bien en lisant la Parole de Dieu, l’évangile en particulier et le Sermon sur la montagne, qu’on est obligé de choisir. Quel est le « celui » que je désire être ?
Et en même temps, cette espèce de paradoxe que la Parole de Dieu établit, nous montre ce que Jésus a franchi. C’est-à-dire que sans lui, je reste quelqu’un de terrestre et je parle de façon terrestre. Mais parce que Jésus, « celui qui vient d’en haut est au-dessus de tous » est venu à moi, il vient d’en haut, il descend dans le mystère de l’incarnation, et de l’incarnation rédemptrice. Il vient à moi pour que je puisse m’identifier à lui. Et dire « la volonté de Dieu c’est que je vienne d’en haut », c’est la suite du dialogue entre Jésus et Nicodème « Il nous faut renaître d’en-haut ». Mais évidemment, je ne peux pas me propulser en haut ; il a fallu que quelqu’un vienne me chercher. Et « Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit fait Dieu ». Je suis bien terrestre et je suis bien né une première fois et que toutes grâces soient rendues à mes parents ; mais je suis né de nouveau par le baptême, et cette naissance de nouveau est possible parce que celui qui vient d’en haut, qui vient du Père, me porte avec lui « Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».
On a une invitation aujourd’hui à nous identifier. Simplement, aujourd’hui, prendre un temps de méditation ; et à chaque fois qu’il y a le mot « celui » que je puisse y mettre mon prénom. Et voir ce que ça produit en moi. C’est important de reconnaître que je suis terrestre ; je ne suis pas un ange avec deux petites ailes, j’habite la terre, je suis incarné. Et ce n’est pas en contradiction avec cette nouvelle naissance qui est la mienne. Mais je dois laisser le Seigneur venir me prendre avec lui, ce que je ne peux pas faire par mes propres forces. Malheureusement je pense que ça peut engendrer un certain nombre de souffrance et d’épreuves comme le jeune homme riche « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? » D’abord, comme si c’était quelque chose que je pouvais m’approprier et m’approprier par mes propres forces. Et là, c’est une grave erreur, une grave incompréhension du christianisme : ça n’est possible que si je laisse le Seigneur venir me prendre avec lui, et comme je disais tout à l’heure, transfigurer toutes mes potentialités humaines.
À ce niveau là, la meilleure formatrice c’est la Vierge Marie qui dit bien «Qu’il me soit fait selon ta Parole ». Et si Marie est devenue la reine, la mère de Dieu, ce n’est que par la puissance de la grâce rédemptrice. Mais la grâce de Marie a été de dire oui, et de redire oui continuellement.
Je vous invite, dans tous ces lieux où on se sent peut être un peu trop terrestre, un peu trop lourd, un peu trop pesant, à inviter le Seigneur, celui qui vient d’en haut pas pour m’imposer quoi que ce soit mais pour m’emmener avec lui. Qu’il établisse son règne, sa suprématie, sa seigneurie, dans ma vie et en particulier dans ce qui est trop terrestre.
Et n’ayons pas peur de la colère de Dieu parce que nous la voyons dans le visage du Christ, qui est le visage de la Miséricorde. Et c’est vrai que Jésus, ce n’est pas pour rire qu’il m’a aimé. Vraiment ! Pour que cela soit possible, il a donné sa vie pour moi. Ce n’est pas par un tour de magie ou un tour de passe-passe. C’est vraiment par le don de sa vie.
Amen