Fête de Saint Marc, évangéliste – 1P 5, 5b-14 ; Ps 88 ; Mc 16, 15-20
Je voudrais partager avec vous quelques aspects de cette invitation, ce commandement qu’on appelle un mandat, celui de Jésus en Saint Marc. Si vous regardez l’évangile et les Actes des Apôtres, vous avez des mandats de Jésus qui nous envoie en mission. Ils ont, les uns et les autres, des aspects un peu différents, complémentaires ; ça dit la richesse de la mission de Jésus. Et surtout, s’il a eu lieu à une période de l’Église et a provoqué un élan, ce mandat est en réalité continuellement renouvelé. Il y avait une théorie qui disait que ce qui s’était passé à la Pentecôte, la venue de l’Esprit Saint, avait lancé l’Eglise et que depuis elle vivait sur cette lancée. Un peu comme on lance un moteur diesel, sauf qu’en ce temps là le moteur diesel est parti comme une fusée si on peut dire ; en réalité, l’Esprit Saint, quand l’évangile dit “Jésus travaillait avec eux” il faut le mettre au présent : Jésus travaille avec nous.
J’aime bien ce témoignage de Pierre qui d’ailleurs est son témoignage, ce qu’il est devenu par la grâce de la miséricorde : “Prenez l’humilité comme tenue de service”. On voit, après ce retournement de Simon-Pierre dans le regard de Jésus, lors de sa condamnation quand Simon-Pierre a renié le Christ trois fois, ça a été le début et les fondations de son humilité.
Et là, Pierre nous donne ce conseil important. J’aime bien cette idée : le matin quand je me lève, je ne vais pas vous donner tous les secrets de mon habillement, mais je prends la première chemise clergyman qui est pendu dans mon armoire ; je ne me pose pas la question des couleurs. Pierre dit qu’il faut bien choisir ce avec quoi nous nous revêtons. Paul dira aussi que par dessus tout, il doit y avoir la charité, c’est le manteau qui nous recouvre. Mais là Pierre nous dit “Revêtez-vous d’humilité”. C’est une décision de notre part. Même si l’humilité est une vertu et une grâce qu’il faut demander au Seigneur, il y a vraiment ce choix qu’il faut avoir. Pierre donne certains aspects de cette vie avec les autres, c’est vraiment important. Pourquoi ? Parce que pour les apôtres, s’il n’y a pas cette décision et cette espèce de vêtement (mais dans la bible, le vêtement est la personnalité elle-même, ce n’est pas superficiel), s’il n’y a pas cette recherche la, il peut y avoir une contradiction trop violente entre l’évangile que j’annonce et ma manière de vivre. On sait que c’est le scandale, Jésus dit qu’il est inévitable, mais il y a une sorte de scandale dans notre vie, à partir du moment où nous annonçons l’évangile sans vraiment en vivre.
J’aime bien ce que dit Madeleine Delbrêl à ce sujet là, je traduis ce qu’elle dit et qui est très beau : il faut d’abord se laisser pétrir par l’évangile, il faut s’en nourrir, c’est de cette manière là qu’il prend vraiment chair en nous. Et c’est le travail de toute notre vie ! À vrai dire, si nous attendons d’être parfaitement pétris et nourris de l’évangile, on n’annoncera jamais l’évangile. Une prière dit “Si tu attends de m’aimer parfaitement, tu ne m’aimeras jamais.” Il faut avancer, il faut faire des choix, il faut prendre des risques. Et le risque justement, c’est que l’évangile que j’annonce va me renvoyer à la vérité sur moi-même, pour que je sois toujours en vérité, parce que la vérité rend libre. Il y aurait une erreur de croire que j’annonce l’évangile parce que je suis digne de l’annoncer. J’ai été appelé à annoncer l’évangile, mais je n’en suis pas digne.
Dans l’évangile justement, on voit quelques caractéristiques de ce mandat de Jésus, caractéristiques très importantes.
D’abord, je voudrais partir de la fin “Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient”. C’est le Seigneur qui travaille avec nous et ça veut dire deux choses. D’abord il a choisi de ne pas le faire sans nous et de le faire avec nous. Nous avons vu dans l’évangile de la multiplication des pains ce signe puissant, que Jésus demande les pains et les poissons. C’est le premier enseignement : rien n’est possible sans lui.
La deuxième chose, c’est que je peux faire l’expérience que Jésus travaille avec moi si je travaille avec lui. Et ça, je pense qu’on a continuellement besoin de réévaluer notre manière de nous engager dans ce mandat, de ne pas considérer qu’il est pour les autres. J’aime bien ce que disait notre évêque lors de la visite de notre paroisse : “Vous en faites beaucoup, je vous demande d’en faire un peu plus.” C’est l’orientation : on en fait beaucoup, mais faites-en toujours un peu plus, soyez dans cet élan d’annoncer l’évangile.
C’est une première chose : le Seigneur travaille avec nous, sans lui ce n’est pas possible, mais sans nous il y aurait un problème.
La deuxième chose importante : l’effondement de la gloire de Jésus. Si vous regardez l’évangile, les éléments qui nous sont donnés sont très forts : Jésus ressuscité “fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu.” C’est donc celui qui travaille avec nous, Jésus de Nazareth mort et ressuscité, mais dans la gloire. J’aime bien comprendre ainsi Jésus quand il dit “Tout pouvoir m’a été donné sur la terre comme au ciel.” Nous sommes le corps du Christ et je ne comprends pas bien comment la tête qui a reçu tout pouvoir, serait coupé du corps. Si Jésus est la tête de son corps que nous sommes, qui est l’Église, il nous partage la plénitude de sa gloire et de ses pouvoirs. Et il le dit d’ailleurs dans le mandat. Il ne s’attarde pas à savoir si nous sommes prêts et parfaits. D’autres récits des apparitions disent “D’aucuns doutaient encore” mais Jésus a soufflé sur eux son esprit. Et c’est justement dans cet “Avance au large” que nous allons faire l’expérience que c’est Jésus qui avance avec nous et que c’est Jésus glorieux. Il va donc manifester sa gloire.
Il s’agit de proclamer l’évangile ! Madeleine Delbrêl a dit qu’il faut annoncer rien que l’évangile, mais tout l’évangile ! toute la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. On n’a pas le droit, comme disait un commentateur, de faire un tri sélectif. On ne peut pas faire du tri sélectif dans l’évangile. C’est vraiment rien que l’évangile et tout l’évangile. Et en particulier ce qu’on appelle le kérygme, le pépin de l’Eglise, c’est à dire Jésus est venu, il est mort et il est ressuscité. Nous annonçons le Christ et l’évangile de Dieu. Jésus est le visage de Dieu, il est le visage de la miséricorde, il est la plénitude de toute la promesse de Dieu complètement accomplie.
Proclamer, vous comprenez ce que cela veut dire dans le langage biblique ; ce n’est pas “piupiupiupi…” (à voix douce et basse ; pardon pour la retranscription pas tout à fait juste ! -NDLR) ça ne peut pas être comme ça ! C’est une proclamation, c’est comme un cri. Et le monde a besoin d’être réveillé par le cri de l’évangile ! Jean-Baptiste dit “Je suis une voix qui crie dans le désert” . Et c’est le cri de Jésus sur la croix et le cri de Jésus qui dit à Lazare “Sors du tombeau !”. Quand on va parler de sortie du confinement, il va y avoir cette nécessaire proclamation de l’évangile. Et nous avons déjà à l’annoncer…
Il y a tous ces signes extraordinaires. Quand on se pose la question de savoir si Jésus guérit encore, s’il libère encore ou si c’était propre à une période de l’Eglise, ce qui est normal, c’est ce que Jésus dit : “Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants”. C’est à dire pas seulement les apôtres, mais tous ceux qui deviendront croyants ! En mon nom” nous avons la description de ces signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : “En mon nom, ils expulseront les démons, ils parleront en langues nouvelles ; ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien.” Hier, j’ai rapporté à ceux qui étaient en communion de prière avec nous, le témoignage de Gloria qui dit que lors de la prière Bartimée, elle a été libérée. C’est à la fois par la prière de tous, mais aussi parce que Gloria a pris autorité. Nous avons cette autorité dans le nom de Jésus et il est important que nous proclamions cette vérité que dans le nom de Jésus, en son nom, nous expulserons les démons. Et nous avons à demander, dans le nom de Jésus qu’il anéantisse à la fois ce virus, mais aussi les liens de transmission. Sinon, comment comprendre l’évangile et ce que nous proclamons ?
Comment interprétons-nous l’évangile ? Je ne dis pas qu’il faut le prendre à la lettre, mais à la lettre dans l’esprit. De fait, Jésus demande de faire ça. Bien sûr, il y a une interprétation qui dit que c’est seulement symbolique, mais nous avons des témoignages de personnes qui ont été libérées dans l’autorité du nom de Jésus. Je ne trouve rien dans les évangiles, dans la Tradition de l’Eglise, qui mette cela en contradiction. Je trouve que de plus en plus de témoignages disent cette autorité dans le nom de Jésus. Ce n’est pas la nôtre. Et que c’est tous, dès que nous devenons croyants, car le nom de Jésus n’est pas une formule magique, mais c’est dans la relation de confiance que nous avons avec lui que nous pouvons tout lui demander. La plus belle prière de demande, la plus profonde, la plus ajustée, c’est celle de Gethsémani “Que cette coupe s’éloigne de moi. Mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.” Et ces signes, dit l’évangile,”il confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient”.
Je pense que nous devons méditer cela. Bernadette a dit “Je dois vous le dire pas en vous convaincre”, mais chacun d’entre nous doit méditer la Parole de Dieu et demander à la Parole de Dieu de nous éclairer : qu’est ce que tu nous dis pour aujourd’hui ? Qu’est ce que ça veut dire pour aujourd’hui dans ce contexte du coronavirus et du confinement ? Qu’est ce que tu nous dis de l’évangile et des signes qui accompagnent l’annonce ? On doit le demander à Jésus et si on sent en nous un appel ou une opposition que je ne juge pas, demandons à Dieu de nous éclairer. Que par son évangile, il nous éclaire. Et après avoir fait ce travail, obéissons à notre conscience. Moi, ma conscience me dit et de plus en plus : les signes qui accompagnent la proclamation de la Parole de Dieu sont là.
Amen