Homélie du mercredi 29 avril 2020 – Père Gilles Rousselet

30 Avr 2020 | Actualité, Homélies

3e  semaine du Temps Pascal année A – fête de Sainte Catherine de Sienne

1 Jn 1,5-2,2 ; Ps 102(103) ; Mt 11, 2-30

Avec la Parole de Dieu, nous nous plongeons vraiment dans la tendresse, la délicatesse, la paternité de Dieu qui se réalise complètement dans l’eucharistie. Car chaque eucharistie, c’est le Fils contemplant la souffrance du Père de nous voir éloignés de lui, de quelque manière que ce soit. Le Fils franchit tous les abîmes infranchissables par nos propres forces, il vient abolir toute séparation, toute division, toute condamnation, en prenant sur lui la totalité de nos péchés et de tout ce qui nous aliène, pour nous offrir la liberté. Et la Parole de Dieu affirme ça, elle le décrit comme une promesse totalement réalisée : Jésus sur la croix dit « Tout est accompli ».  Et tout est accompli après qu’il a confié ses disciples à la maternité spirituelle de la Vierge Marie et juste avant de remettre l’Esprit pour vivre comme enfant de Dieu.

Il y a cette dimension du péché signalée dans la première lecture, avec une sorte de paradoxe, quelque chose d’inconcevable : nous pouvons comprendre le péché comme le refus de nous reconnaître pécheur. « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous égarons nous-même, et la vérité n’est pas en nous. » Or, la vérité nous rend libre. Par contre, «  Si nous reconnaissons nos péchés, lui qui est fidèle et juste va jusqu’à pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice. »

C’est vrai qu’il y a des récits dans l’évangile où Jésus va guérir, relever des paralytiques, mais à chaque fois le miracle qui choque le plus c’est qu’il dise « Je te pardonne tous tes péchés ». Seulement Dieu peut pardonner les péchés, c’est une œuvre beaucoup plus importante que toute guérison ! Parce que l’on peut mourir sans aucune maladie et pour autant ne pas aller au paradis. Je ne le souhaite à personne, mais c’est une réalité. Jésus en mourant sur la croix n’est pas venu guérir la lèpre, il y a des médecins qui font ça très bien au demeurant ; mais il est venu nous libérer du péché. Si nous disons que nous sommes sans péché, nous faisons de lui un menteur et sa parole n’est pas en nous. On comprend pourquoi le véritable péché n’est pas de commettre des péchés, même si Saint Jean dit « Je vous écris cela pour que vous évitiez le péché ». Mais il dit « Si l’un de vous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père. » En reconnaissant notre péché, Jésus Christ le seul juste, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés.

 Je crois qu’on a vraiment besoin de méditer ça, peut être en cette circonstance où nous ne pouvons pas nous confesser directement avec un prêtre. Mais bien prendre le temps avec Jésus, à la lumière de sa Parole, car c’est toujours la Parole de Dieu qui nous éclaire sur notre péché, bien prendre le temps de reconnaître le péché qui est en nous.

Les saints disent qu’ils sont les plus grands pécheurs. Pourquoi ? Parce que plus on s’approche de Dieu, plus le petit écart vis-à-vis du commandement de l’amour est perceptible. Quand on commence dans la vie spirituelle on peut avoir conscience de nos péchés graves. Et plus on va s’approcher de Dieu, plus on va avoir conscience du plus petit écart vis-à-vis des commandements du Seigneur, vis-à-vis de l’amour de Dieu. Et c’est la raison pour laquelle les saints disent qu’ils sont les plus grands pécheurs. Et ce n’est vraiment pas une fausse humilité, c’est une conscience pure que le plus petit écart par rapport à la vie que le Seigneur nous propose est une blessure pour Dieu.

C’est quand même d’une grande tendresse ! Jésus nous dit « n’ayez pas peur de reconnaître votre péché, parce que vous avez un défenseur. Je suis venu pour vous défendre auprès du Père. » Et c’est cela le jugement : la miséricorde. Nous sommes pardonnés à la mesure où nous reconnaissons notre péché.

Dans l’évangile, nous plongeons dans un autre mystère qui est absolument incroyable. Béni sois-tu Seigneur de nous avoir permis de pénétrer, de contempler ce mystère de ta prière, de la prière que tu adresses à ton Père. Et là, nous avons vraiment une perle, de cette prière que Jésus adresse à son Père dans l’Esprit Saint : « Père, Seigneur… »

D’abord, il l’appelle Père. C’est pour cela que Thérèse de Lisieux, quand elle priait le Notre Père, avait du mal à dépasser les premiers mots : elle était tellement envahie de joie que ses larmes ne cessaient  de couler en disant « mon Père, notre Père…. ». Jésus nous a donné la grâce d’appeler Dieu « notre Père ». C’est quelque chose qui est absolument inconcevable. Il a fallu que Jésus vienne, par son autorité, nous donner le droit et nous affirmer que Dieu, son Père, est notre Père. « Père, Seigneur du ciel et de la terre je proclame ta louange. » Le cœur de la prière de Jésus est la louange. Pourquoi ? Parce que Jésus contemple le cœur du Père et il contemple, il le sait jusque dans sa chair, ce que le Père veut faire. Et ce que Jésus contemple du vouloir du Père et de son accomplissement, remplit Jésus de joie. Et cette joie doit nous contaminer, c’est ça la vie chrétienne ! La vie chrétienne est le fruit de la contemplation, du regard de la prière que Jésus adresse à son Père : « Père, papa chéri, je te loue, je proclame ta louange. Parce que je vois ce que tu veux faire, je vois l’accomplissement même si ce n’est pas encore parfaitement accompli dans le cœur de tes enfants, moi, je sais que tu vas l’accomplir, que tu es en train de l’accomplir, que c’est déjà accompli. » Quelqu’un disait « Vous êtes guéris depuis 2000 ans, mais vous ne le savez pas encore. « 

« Tu as révélé aux petits et aux pauvres, ce que tu as caché [ou ce qui est resté caché] aux sages et aux savants. » C’est-à-dire que ce n’est pas Dieu qui a voulu cacher aux sages et aux savants ce qu’il a révélé des ses mystères, de sa vie, de son être profond aux petits et aux pauvres, mais quand on essaie d’accéder aux mystères de Dieu par la connaissance  intellectuelle, il y a une certaine limite, et il faut avoir un cœur d’enfant.

Les deux ne sont pas incompatibles, à condition que la démarche personnelle humaine ne prenne pas le dessus sur la grâce accordée aux petits et aux pauvres.  « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau. » La parole qui est importante est « Devenez mes disciples. » À la mesure où vous venez à moi déposer votre fardeau, je vous en déchargerai, mais devenez mes disciples….

Ce récit est une pure merveille. C’est vraiment le fruit, l’expression de la prière que Jésus adresse à son Père dans l ‘Esprit Saint. Et vous savez que la prière de Jésus ne cesse de se déployer continuellement en nous.

Amen