3ème semaine du Temps Pascal année A – Ac 9, 31-42 ; Ps 115(116) ; Jn 6,60-69
Je me rappelle avoir entendu un témoignage qui m’avait beaucoup marqué, authentique. C’était un petit groupe de prière de jeunes qui exerçaient des charismes. Vous savez, les dons que l’Esprit Saint fait à tous ceux qui croient en Jésus Christ. Jésus dit « Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants ; en mon nom ils chasseront les esprits mauvais, imposeront les mains aux malades et les malades s’en trouveront bien. »
C’est un groupe de jeunes donc qui avaient pris, si on peut dire, à la lettre et dans l’esprit, ces paroles de Jésus et qui allaient à la rencontre des personnes dans la rue. À un moment, ils ont rencontré un homme en chaise roulante. Ils ont reçu dans leur cœur qu’il fallait prier pour cet homme ; ils se sont approchés et lui ont demandé « Est-ce que vous voulez bien qu’on prie sur vous ? » S’il avait répondu non, les jeunes n’auraient pas insisté… Un des jeunes témoignait « Pour nous mettre la pression, on avait invité tous les gens autour à s’approcher, au moment où on allait prier sur lui. » Et ils ont commencé à prier sur lui, longuement, en invoquant le nom de Jésus. Et à l’invocation du nom de Jésus, ils ont dit « Lève-toi. » Il s’est levé, il était guéri. À vrai dire, c’est un témoignage qui nous bouscule, qui nous interpelle. Et là aussi on peut réagir en disant « Qu’est-ce que c’est que cette histoire, ce n’est pas possible ! ça ne peut pas être comme ça, ce n’est pas vrai…. » Là, il se trouvait que la guérison avait été authentifiée, il était vraiment guéri.
Mais ce qui m’avait beaucoup marqué, justement, c’était le fait que pour se mettre la pression spirituelle, ils avaient demandé qu’il y ait d’autres témoins. À la fois la guérison a été authentifiée par la suite par les médecins et authentifiée par les témoignages.
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que c’est un peu ce qui se passe dans la vie de Simon-Pierre, dans la première lecture des Actes des Apôtres que nous avons entendue. Simon-Pierre est tellement travaillé par la Parole, vous voyez ce qu’il dit dans l’évangile : « Tu as les paroles de la vie éternelle, à qui irions-nous ? » Je ne sais pas si Simon-Pierre a vraiment conscience de ce qu’il dit. En tout cas, il pressent qu’il n’y a pas d’autre lieu où il peut avoir accès aux paroles de la vie. Et là, dans les Actes des Apôtres, c’est vrai que c’est après la Pentecôte, il le met vraiment en application : « Enéas, Jésus Christ te guérit, lève-toi et fais ton lit toi-même. » Et après il va ressusciter Tabitha, cette jeune femme dont le prénom signifie « gazelle », c’est tout un programme… Simon-Pierre si on peut dire, s’est vraiment laissé façonner par la Parole de Dieu.
C’est vraiment un itinéraire qui nous est proposé, l’itinéraire, le parcours que Jésus veut faire avec nous. Et évidemment, ce n’est possible que dans la mesure où nous sommes capables de répondre à cette question : « Et vous ? Est-ce que vous allez me quitter ? » Dans ce qui précède le passage de l’évangile que nous avons entendu, la foule est vraiment attirée par Jésus : il a multiplié les pains, il a associé les disciples à cette démarche. Ce sont les disciples, l’Église naissante, qui ont finalement donné cette nourriture à la foule ; les gens ne sont pas dupes, ils savent bien que ça vient de Jésus. Alors, cette foule veut s’en emparer pour en faire un roi. Jésus s’éloigne, parce que ce n’est pas pour cela qu’il est venu. Mais il va continuer à former ses disciples, et tout ce qui va se passer par la suite, c’est de cet ordre-là. Jésus sait bien que même parmi les disciples, ce n’est plus la foule qui réagit, ce sont ses disciples, qui parmi eux ne croient pas en lui et même quel est celui qui va le trahir.
C’est nous qui sommes interpellés finalement, dans notre foi. Et je me rappelle ce que disait une jeune fille qui venait à la messe. Quelqu’un lui demandait « Pourquoi viens-tu à la messe ? » Elle avait répondu : « Là, j’entends des paroles que je n’entends nulle part ailleurs. » Je ne sais pas si la personne qui a posé la question lui a demandé de traduire, d’expliquer quelles étaient ses paroles qu’elle n’entendait nulle part ailleurs. Peut être qu’elle n’aurait pas pu répondre.
C’est comme dans la pastorale des funérailles. Là, les gens entendent des paroles qu’ils n’entendront nulle part ailleurs. Il y a à la fois les paroles de foi qui sortent de la bouche de cette fraternité qui accompagne les familles en deuil, mais il y a aussi la Parole de Dieu. Je crois qu’il ne faudra jamais remplacer la Parole de Dieu par des paroles profanes. Malgré toutes leurs qualités, ces textes ne portent pas en eux une Parole de Vie ; c’est un témoignage, une lumière, mais ce n’est pas la même chose. C’est la Parole de Dieu qui nous donne la vie, la vie en abondance, la vie éternelle. Mais cette Parole, parce qu’elle est Parole de Dieu, ne peut pas être une parole qui passe comme ça, comme l’eau sur les plumes d’un canard. On doit vraiment entendre cette réaction violente, même des disciples.
Se laisser interpeller : comment est ce que j’accueille la Parole de Dieu : est ce que c’est une parole qui me brûle, qui me nourrit, qui me consume ? Et si vraiment cette Parole de Dieu est source de vie, alors combien plus, ou encore, la chair du Christ ressuscité est nourriture pour la vie éternelle ? Et c’est vraiment ça l’enjeu et on doit entendre le double questionnement de ceux qui réagissent et disent que ce n’est pas possible. Je prenais l’exemple des charismes, de l’exercice des charismes ; je ne parle pas du renouveau charismatique, parce que c’est toute l’Église qui est charismatique, c’est l’Église qui doit exercer les charismes, et particulièrement en ce moment le charisme de la vie fraternelle, de la compassion, de la sollicitude, de la bienveillance.
Se laisser travailler par la Parole de Dieu parce que c’est à la fois l’accueillir et on sent bien que cette parole ne peut pas nous laisser comme nous sommes. Nous sommes transformés par cette Parole. Saint Augustin dit à propos de l’eucharistie « Contemple ce que tu manges et deviens ce que tu contemples. » C’est ça aussi qui est bouleversant : je sens bien que si j’accueille la Parole de Dieu en vérité, alors elle ne peut pas me laisser comme ça. Quand la Parole de Dieu dit « Pardonne 77 fois 7 fois » peut-être même qu’avant de l’avoir entendue je préfère dire que non, ce n’est pas possible ; je ne suis pas Jésus, je ne suis pas Dieu…Le fait est que la Parole de Dieu me sollicite : « Est ce que tu veux m’accueillir, est ce que tu veux me recevoir afin que je puisse te transformer ? »
L’eucharistie, c’est en nous cette Parole qui s’est faite chair que je vais manger mais qui va m’assimiler. Ce n’est pas moi qui digère le Corps du Christ. C’est le Corps du Christ qui vient en moi et qui me transforme pour que le commandement « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » soit une réalité en moi. Le « comme » n’est pas l’imitation de Jésus, le « comme » c’est l’eucharistie qui vient vivre ça en moi. Ce qui fait dire à Paul « Je vis. Mais ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. » Alors, on peut extrapoler : J’aime, mais ce n’est pas moi qui aime, c’est le Christ qui aime en moi.
Alors tout devient possible. C’est le témoignage de Pierre qui dit « Jésus te dit ‘Lève-toi’. » La Parole de Dieu m’a tellement transformé qu’il n’y a pas de résistance en moi. Et ce que Jésus fait et qu’il dit « Vous accomplirez des œuvres encore plus extraordinaires en mon nom. » C’est ça la Parole de Dieu !
Peut être qu’aujourd’hui, et pendant tous ces jours de Pâques, nous pouvons nous demander comment nous accueillons la Parole de Dieu, comment nous le pouvons, parce que Pierre avait sûrement des résistances quand il a dit à Jésus « Tu as les paroles de la vie. Comment on pourrait aller ailleurs ? »
En attendant, ces paroles de vie ne m’ont pas encore totalement « vitalisé ». Le terme n’est pas très juste, mais plus je vais accueillir ses paroles, plus elles vont me transformer. Il faut être comme des pauvres, nous sommes des vases d’argile dans lesquelles Dieu a mis un trésor. Il veut mettre le trésor de sa Parole.
Et que toutes mes paroles, tous mes gestes, soient comme un débordement de ces paroles de vie et de la puissance transformante de l’eucharistie.
Alors, nous ne pouvons pas communier de manière concrète. Mais tout ce temps de confinement n’est pas pour nous habituer à nous passer de l’eucharistie ; mais c’est le temps où notre désir de l’eucharistie et de la Parole est creusé véritablement.
Amen