4e semaine du Temps Pascal année A – Ac 13, 26-33 ; Ps 2 ; Jn 14, 1-6
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé » Peut être que cette parole de Jésus au début de l’évangile peut nous permettre de nous situer dans ce contexte là : la Parole de Dieu aujourd’hui c’est cette proclamation de Jésus, cette révélation que ce qu’il est pour puisse nous rejoindre au cœur de ce que nous vivons ; c’est la grâce de la Parole de Dieu, en particulier quand elle est proclamée ainsi dans la liturgie « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ». Jésus a annoncé à ses Apôtres sa Passion, c’est donc dans ce contexte historique.
Mais cette recommandation de Jésus, cette ouverture et d’ailleurs dans ce récit il manifeste plusieurs ouvertures, c’est le contexte de cette épidémie. Et nous l’entendons aussi, et peut être avons-nous besoin de le reconnaître, la peur du déconfinement. Nous en avons entendu plusieurs : qu’est ce que ça va provoquer ? Est-ce que ce déconfinement va être respecté ? Quand nous prions ensemble à 15h pour le chapelet, beaucoup de demandes vont dans ce sens : que l’Esprit Saint nous donne la force de respecter toutes les consignes. Il y a aussi la crainte de ce que ça va provoquer, peut-être comme nouvelle propagation du virus. Et puis d’autres craintes qui peuvent atteindre les uns et les autres : la crainte que ça revienne comme avant, c’est-à-dire que toutes ces magnifiques découvertes que nous avons vues, ce que l’Esprit Saint a suscité dans le cœur de tous, et pas seulement dans le cœur des chrétiens, avec ces incroyables mouvements de solidarité, ces gestes au quotidien qui ont été faits pour venir en aide aux autres, beaucoup de personnes ont témoigné de nouvelles relations dans le quartier, sur le palier de leur demeure. On entend aussi des personnes demander si ce n’est pas la peur du paradis perdu, c’est-à-dire que malgré ce que nous avons vécu et qui a vraiment changé notre vie, la peur qu’on revienne comme avant, que rien n’ait changé.
Tout ça ce sont évidemment des possibilités : le Seigneur est extrêmement lucide, c’est justement pour ça qu’il nous parle comme ça et fait ces ouvertures.
La première ouverture est que le Verbe de Dieu se fait entendre. Vous savez quand Jésus est descendu dans le Jourdain pour se faire baptiser par Jean et qu’il est remonté, alors le ciel s’est ouvert, une voix s’est fait entendre « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ». La Parole de Dieu ne dit pas que le ciel s’est refermé, que cette parole était destinée uniquement à Jésus. Mais en Jésus dans l’Esprit Saint, elle est destinée à tous. C’est le Père qui nous dit « Je suis votre Père et tu es mon enfant, en toi je trouve ma joie et ma complaisance. » C’est une porte ouverte, et encore une fois, elle n’a jamais été fermée.
Et dans la Passion, il y a le cœur du Christ transpercé, qui nous donnes accès au cœur du Père. « Père, pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font. »
De la même manière, cette blessure ne s’est jamais refermée. D’ailleurs quand Thomas demande à faire cette expérience, Jésus lui dit « Mets ta main dans mon côté ». C’est tout notre être qui peut entrer dans cette blessure et découvrir à quel point nous sommes aimés. Là le Verbe se fait entendre : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. »
Ce sont toutes les promesses de l’Ancien Testament qui ont été accomplies et même bien au-delà. C’est bien au-delà de tout ce qu’on peut imaginer, tout ce qu’on peut percevoir. Jésus nous dit « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire sur tout ce que j’ai fait pour vous. » Ce ne sont pas des choses nouvelles, mais ce sont des choses que vous allez pouvoir accueillir de manière nouvelle, qui vont vous rejoindre justement dans ce que vous vivez. Je ne suis pas en dehors de votre vie. J’ai voulu célébrer ma Pâque au milieu de vous, en vous. Dans votre demeure, j’ai vécu ma Pâque, ma mort et ma résurrection en vous et je vous associe à cette grande victoire.
Au sujet de la mort, il y a un philosophe qui disait que la question la plus fondamentale posée à toute l’humanité, c’est celle précisément de la mort et de ce qui se passe après. Et tant qu’on n’aura pas répondu à cette question fondamentale, nous n’avons répondu à rien. Evidemment il y a beaucoup de réponses qui ont été données : la réponse complètement athée qu’il n’y a rien, rien après ; une autre réponse comme la réincarnation, des choses comme ça… Et le Christ est venu donner la réponse fondamentale, elle nous est présentée ici, très belle : « Dans la maison de mon Père il y a de nombreuses demeures et je pars vous préparer une place. » Un Père de l’Eglise disait que le Père est la demeure, Jésus est le Seigneur et l’Esprit Saint est la force pour y parvenir.
Alors soyons clairs que cette réalité que Jésus nous ouvre aujourd’hui, son Père est la demeure, nous le savons bien, ne concerne pas seulement après notre mort. Même si c’est une extraordinaire bonne nouvelle. Quand nous célébrons des funérailles, et évidemment dans le contexte d’aujourd’hui c’est d’autant plus important de dire que notre mort c’est le moment où nous entrons dans cette demeure qui est le cœur du Père. Cette demeure que Jésus nous prépare depuis toujours. Personne, aucune vie humaine, n’est le fruit du hasard. Nous sommes chacun le fruit d’une volonté d’amour. Et cette volonté d’Amour va se réaliser parfaitement par ce passage, notre Pâque qui est notre mort ; et nous serons accueillis dans la demeure du Père qui est préparée pour nous.
L’autre aspect de cette mort, de ce passage qui est une extraordinaire nouvelle, c’est « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, pour que là où je suis vous soyez, vous aussi». C’est la Bonne Nouvelle, il ne peut y avoir de bonne nouvelle plus forte, plus puissante que celle là, surtout avec ce qui suit.
Cette découverte c’est une réalité quotidienne, en permanence, au travers des événements où il s’agit pour nous de mourir à nous-mêmes. Vous vous rappelez de ce que disait François Varillon que j’ai rappelé hier et avant-hier « Toute décision est une Pâque transformante ». À chaque fois que je décide de renoncer à moi pour m’ouvrir aux autres, alors je fais l’expérience que je suis invité à entrer dans la demeure du Père. Le Père me bénit. Le signe que je suis dans la demeure du Père, c’est la bénédiction du Père et c’est vraiment ce que Jésus est venu nous offrir.
Dans ce chemin de mort et de résurrection, nous découvrons que Jésus est toujours avec nous. Ce n’est pas un chemin que nous faisons tout seul. Il dit « Je viens vous chercher, je viens vous prendre avec moi » le fait de décider de renoncer à soi-même, de renoncer à son confort, peut-être aussi de repousser dans le nom de Jésus toutes les peurs qui peuvent nous assaillir, alors c’est la possibilité pour nous, à cause de Jésus, à cause de ce qu’il a fait pour nous, de découvrir qu’il vient nous rejoindre. Ce n’est pas qu’il vient nous rejoindre, c’est qu’il est là, au milieu de nous ! Et il nous dit « La Paix soit avec vous ». Sa présence, c’est elle qui suscite ce renouvellement intérieur où je choisis la vie.
Et il y a une autre porte ouverte, une autre perche tendue. Je me demandais pourquoi Jésus disait «Pour aller où je vais, vous savez le chemin ». Je crois que c’est pour susciter la question de Thomas : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » On peut dire que Jésus suscite en nous cette question, peut être avons-nous du mal à le formuler : « Pour aller où je vais, vous savez le chemin ». C’est une expérience, pas une connaissance, un savoir intellectuel. Mais c’est vraiment une expérience et Jésus donne cette réponse « Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie » D’ailleurs il y a une traduction possible qui dit « Je suis le Chemin de la vérité qui est la vie ».
Plusieurs fois, nous avons mentionné dans cette expérience de confinement cette invitation à vivre dans la vérité. La vérité qui rend libre. Vous vous rappelez la première homélie, j’avais dit qu’il fallait enlever les masques. À chaque fois que nous mettons un masque, magnifique, certains sont assortis aux tenues vestimentaires ; quand nous mettons un masque, essayons de nous rappeler que vraiment Jésus nous invite à être en vérité. Ce n’est pas une vérité qui condamne, c’est une vérité qui repose justement sur le fait que nous sommes sauvés et aimés. Tu peux exister comme tu es, avec toute ton histoire, tout ton passé dont je veux te libérer. Ainsi si tu as des fardeaux lourds dans ton histoire et dans ton passé, moi je suis venu les prendre avec moi, je suis venu les prendre sur ma croix, je les ai portés, tous tes fardeaux, pour que tu en sois libéré. «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau. Mon joug est facile et mon fardeau léger. Mettez vous à mon école. »
C’est aussi ce que dit cette affirmation « Je suis le chemin » : le chemin est une réalité à emprunter, ce n’est pas un chemin parmi d’autres. On ne risque pas de se tromper sur ce chemin parce que l’Esprit Saint nous conduit et l’Esprit Saint est notre force.
C’est la raison pour laquelle, dans ce temps de Pâques, il faut vraiment reconnaître que nous sommes des citernes lézardées et que nous avons besoin que l’Esprit Saint descende en nous. Vous vous rappelez ce que Jésus dit à la Samaritaine : « Des fleuves d’eau vive couleront de ton cœur » C’est encore une promesse que le Seigneur a parfaitement accomplie en remettant son esprit sur la croix pour que nous le recevions.
Préparons-nous à la Pentecôte, à recevoir en plénitude l’Esprit Saint.
Amen.