Homélie du samedi 9 mai 2020 – Père Gilles Rousselet

11 Mai 2020 | Actualité, Homélies

4e semaine du Temps Pascal année A – Ac 13, 44-52 ; Ps 97(98) ; Jn 14, 7-14

Nous avons dans les Actes des Apôtres un encouragement à annoncer l’évangile : « Le sabbat qui suivait la première prédication de Paul à Antioche, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur » On peut dire que le passage est déjà fait, vous vous rappelez au début de notre confinement, le témoignage des samaritains qui disent à cette femme « Ce n’est plus à cause de toi que nous croyons, mais nous l’avons entendu lui. »

 Là, cette foule déjà se rassemble, non pas pour écouter Paul ou les prédicateurs ou les apôtres, mais pour entendre cette Parole de Dieu. Cette Parole du Seigneur touche profondément les cœurs, et nous voyons une caractéristique de la vraie prédication : c’est à dire qu’on n’est pas censé annoncer une parole qui convient à tout le monde. On voit que la Parole de Dieu révèle aussi en nous ce qu’il peut y avoir de résistance. Là, ce sont les Juifs « enflammés de jalousie » en raison de la puissance de la prédication. Mais ça montre aussi que quand nous prêchons, que nous annonçons la Parole de Dieu, la Parole rencontrera nécessairement, à cause même de ce qu’elle est, des oppositions. Voyez, dans les Actes des Apôtres, ils secouèrent même la poussière de leurs chaussures. Qu’est ce que ça veut dire ? Quand Jésus parle de ça dans l’évangile, il dit : « vous êtes chargés d’annoncer la Parole mais si elle n’est pas accueillie, ça n’est pas votre problème. Vous, vous êtes chargés de l’annoncer. Et si elle n’est pas accueillie, secouez jusqu’à la poussière de vos chaussures. » Ne le faites pas chez vous, évidemment, je ne voudrais pas avoir de problème avec les personnes qui font le ménage.

Il y a cette réalité de la parole de Dieu qui a un autre aspect aussi : vous avez vu comment les apôtres sont persécutés au nom de la Parole. À ce moment-là, la persécution n’est pas très violente, mais elle a pu l’être à d’autre moments, elle peut l’être. Mais c’est lié à la nature même de la Parole de Dieu qui vient transformer le monde. Ne nous étonnons pas qu’il y ait des résistances, et même des résistances en nous ! C’est une expérience que j’ai souvent faite : quand je médite la Parole de Dieu pour prêcher ou pour enseigner, il y a des passages d’Ecriture où j’ai envie de dire « Non, ce passage je vais le laisser, parce que ça résiste trop, parce que je ne vois pas… » Et en fait je me rends compte, en persévérant, que la Parole de Dieu est tranchante : elle trouve en moi une résistance et qui vient d’abord nous transformer. C’est vrai d’abord à un niveau personnel, et à un niveau communautaire. L’Église peut vraiment annoncer la Parole au moment où elle s’est laissé transformer par elle. Et parfois, ça peut aller extrêmement profondément, trancher dans les deux sens et ça peut être très douloureux. On a traversé des moments comme ça dans la vie de l’Eglise. Et on voit bien encore que la Parole de Dieu agit… On peut dire « Béni sois tu Seigneur d’agir de cette manière là ! » Même si c’est douloureux, mais il en va vraiment de la vérité de la prédication et de la vérité du sens même de l’Église.

Dans l’évangile, Jésus continue sa prédication, il continue à se révéler. Et là, il y a une parole qui va rencontrer aussi une opposition : « Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. » Je crois que c’était jeudi ou mercredi, Jésus avait dit « Si vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » En fait, cette petite phrase peut nous toucher : on peut vraiment croire en Dieu. Et Jésus est vraiment venu révéler Dieu et ce n’est peut-être pas évident de croire en Dieu tel qu’il s’est révélé en Jésus Christ. Parce que dans ce passage-là, Jésus se mettait au pied de ses disciples. Quelqu’un disait « Si tu veux voir Dieu, ne lève pas la tête mais baisse les yeux, il est là, en train de te laver les pieds. »

Ce qui est incroyable, c’est que Jésus dit « Puisque vous me connaissez [ce n’est pas une connaissance intellectuelle, mais une connaissance existentielle, dans le sens biblique du terme « naître avec » vous me connaissez puisque je suis là, je me suis révélé à vous dans tout l’enseignement et dans tout ce que j’ai fait] vous connaîtrez aussi le Père. » C’est un futur, ça veut dire que vraiment la connaissance du Père est à la fois un désir (vous connaissez ce livre du Père Marie-Eugène de l‘Enfant Jésus Je veux voir Dieu) c’est une aspiration qu’on a tous, plus ou moins consciente, plus ou moins sensible, plus ou moins profonde. Mais connaître Dieu, voir Dieu, c’est une aspiration comme Moïse. Ce qui est extraordinaire, dans l’Ancien Testament c’est « Nul ne peut voir Dieu sans mourir » et Jésus nous dit « Moi je suis venu révéler le Père. Et si vous me connaissez, vous le connaîtrez ». Tout ce que Jésus a dit, tout ce qu’il a fait est une pleine révélation du Père. Je pense qu’on peut passer l’éternité à méditer cet aspect-là : Dieu n’est pas resté éloigné, dans un endroit inaccessible, il s’est totalement révélé en son Fils, et toutes les paroles du Fils sont paroles de Dieu, tout ce que Jésus a fait, c’est accomplir la volonté de son Père. Et même à Gethsémani : «Si c’est possible, que cette coupe s’éloigne de moi. Mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. » Jésus est l’incarnation de la volonté du Père.

Le pape François dit que Jésus est le visage de la miséricorde de Dieu : quand nous voyons Jésus, nous voyons tout l’amour que Dieu a pour nous. Et en plus nous avons l’Esprit Saint pour accueillir ça ! Pourquoi ? Parce que cette réalité est tellement bouleversante… Je crois que depuis que l’humanité existe et développe un certain sens du transcendant, l’humanité cherche Dieu. Pour les chrétiens, le christianisme est une religion révélée. C’est Dieu qui s’est révélé de cette manière troublante qu’on appelle la double kénose : il s’est révélé dans l’incarnation : ce petit bébé né dans ce village, dans cette « maison du pain » à Bethléem, c’est le Fils de Dieu. Et quand Jésus meurt sur la croix, il révèle la gloire de Dieu et de quel amour nous sommes aimés.

L’autre aspect et prenons le temps de l’accueillir, c’est qu’il y a communication. Aux pécheurs que nous sommes, il y a communication de la vie trinitaire. Jésus dit « Celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais ». Ok, c’est déjà pas mal, mais attendez ! Mais il dit aussi « Vous en ferez des plus grandes parce que je pars vers le Père et que tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai. » C’est-à-dire que Jésus ne s’est pas éloigné à l’Ascension, mais il a inauguré une nouvelle présence dans son corps qu’est l’Église. Et Jésus dit « Tout pouvoir m’a été remis sur la terre comme au ciel ». Et encore une fois, la tête qui est le Christ a reçu tout pouvoir, mais la tête n’est pas coupée, elle n’est pas coupée du corps ! Ça veut dire que le corps que nous sommes, chacun ensemble, peut accomplir des œuvres encore plus grandes en le demandant en son nom. Je crois que c’est ce que l’Église doit vivre. Et par exemple, la prière de Bartimée (prière de guérison et de libération -NDLR) que nous proposons demain, nous essayons de nous appuyer sur ce que Jésus dit. Nous allons demander en son nom qu’il poursuivre son œuvre de guérison, de libération et de conversion. Nous allons demander en son nom, ensemble. Ce n’est pas telle ou telle personne qui a un charisme de guérison et de libération, c’est la communauté. C’est pour ça qu’on vous demande de vous connecter pour la prière de Bartimée : ensemble, prions.

On va prier pour notre guérison personnelle, notre libération, mais prions d’abord et avant tout pour que la gloire se manifeste dans son peuple qui a tant besoin, en ce moment, d’être rassuré. On va prier pour ça en particulier. Demain, que la paix du Seigneur vous envahisse, qu’elle vous envahisse personnellement et communautairement à l’occasion de ce déconfinement. C’est le travail d’organisation pour l’accueil des élèves qui est un travail énorme, pour lequel il n’y a pas beaucoup de temps, pas beaucoup d’expérience ni de moyens.

Nous allons vraiment prier demain pour qu’on fasse des œuvres encore plus grandes, parce que Jésus est auprès du Père et que sans cesse il intercède pour nous, et que tout ce que nous allons demander en son nom il le fera. Thérèse de Lisieux a assez bien compris ça quand elle dit « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la Terre. » N’attendons pas d’être au ciel pour faire du bien sur la Terre, faisons-le et continuons de le faire, car il y a tellement de gens qui l’ont fait de manière gratuite et désintéressée, pas même au nom d’une conviction religieuse ou croyante, mais simplement pour venir en aide à leurs frères. Et bien, ne soyons pas en reste !

Continuons de vouloir faire les œuvres du Père au nom de Jésus puisque nous avons reçu l’Esprit Saint.

Amen