5ème semaine du Temps Pascal année A – Ac 14, 19-28 ; Ps 144(145)) ; Jn 14, 27-31a
Nous avions hier soir une réunion pour essayer d’orienter nos activités et nos priorités dans ce temps transitoire, dans cette semaine de déconfinement. On sait bien que le déconfinement va durer un certain temps, on va devoir s’adapter, s’ajuster. C’est d’ailleurs une des premières règles, puisque nous n’avons absolument pas l’habitude ni l’expérience, de ce qui se passe. Je reprends simplement ces deux mots de notre évêque lors d’une intervention sur RCF. Il disait « Il faut consentir et espérer » Consentir et espérer. Ce sont deux expressions très dynamiques : consentir et espérer. Consentir à ce qui est, à la réalité telle qu’elle est et avec l’Esprit Saint, la travailler de l’intérieur. L’espérance, c’est que nous savons vers où nous allons.
Dans le partage d’évangile que nous avions hier, une personne disait « C ’est incroyable, parce que tout le temps dans la liturgie de la Parole en ce moment, nous entendons parler du Père. » Comment cela pourrait-il être étonnant, finalement, puisque tout ce que Jésus est venu faire c’est de nous révéler le visage du Père ?
Et là, dans la finale de cet évangile, « Il faut » absolument ; je rajoute absolument, mais quand Jésus dit « Il faut », ce n’est pas une hypothèse, c’est vraiment toute une orientation de vie, c’est pour ça qu’il est venu finalement. Comme dans le récit des Pèlerins d’Emmaüs, où la pointe du récit est à la fois que Jésus est vivant et qu’il fallait que les choses se passent de cette manière là.
Donc « Il faut [absolument] que le monde sache que j’aime le Père et que je fais comme le Père me l’a commandé. » Tout ce que Jésus est venu faire, c’est nous révéler le visage du Père et le cœur du Père ! Parce que la volonté du Père, c’est tout ce qu’il y a dans son cœur. Et quelle est la volonté du Père ? C’est que nous soyons tous sauvés. Et pas par une formule magique, par une parole en l’air, mais quand le Père veut sauver tous ses enfants, tous les pécheurs que nous sommes, il donne son propre Fils. Son propre Fils est comme l’incarnation de la volonté éternelle de Dieu.
Il n’y a pas un jour où Dieu aurait décidé « Oh là, on a eu un plan qui est la création et il y a eu un bug dans cette création. On va se concerter, on va faire une réunion zoom, et on va décider ensemble d’envoyer un sauveur. » En fait, notre Dieu créateur est un Dieu sauveur. Et donc quand Jésus est venu, c’est pour révéler l’amour rédempteur de son Père, et cet amour, cette rédemption est parfaitement accomplie et en fait, il nous appartient à nous de l’accueillir.
Il y a un domaine dans lequel cette rédemption s’accomplit, c’est la paix « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ». Ce redoublement attire notre attention sur la nature même de cette paix et comment elle se réalise. D’abord, c’est un testament, un héritage. Vous connaissez peut-être cette histoire d’un homme qui entre dans un magasin. Il voit qu’ici tout est gratuit. Alors, il entre et dit « C’est vrai, tout est gratuit ? » « Oui, c’est marqué ! » Il passe dans les rayons, il prend son caddy et dit « Je voudrais la paix, l’amour, la joie, la félicité, le travail pour tout le monde… » Et le vendeur lui dit « Non, non, non, mon ami, ici on vend les graines. » Ce que Jésus dit c’est « La paix, je vous la donne, mais je vous la donne comme un héritage. Et qu’allez vous faire de cet héritage ? »
La deuxième chose qu’il dit c’est « Je vous donne ma paix » la paix, c’est la sienne ! Il le dit d’ailleurs « Ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne mais c’est ma paix, la paix qui est en moi ». C’est assez troublant de voir certains passages, notamment ceux de la Passion, ou lorsque Jésus est dans la barque dans la tempête et qu’il dort dans cette barque qui est une vraie coquille de noix. Mais c’est parce qu’il est habité d’une paix qui est absolue, qui est tout son être. Et comment peut-on la traduire cette paix pour qu’on puisse se dire qu’elle nous est accessible ? La paix vient du fait qu’il est le Fils de Dieu, il est le Fils du Père.
C’est cette filiation qui est la nature même de sa paix. C’est parce qu’il est le Fils, et que le Père est son Père, qu’il est rempli de l’Esprit Saint, qu’il est dans cette paix. C’est important pour nous parce que c’est vraiment comme ça qu’elle nous est donnée cette paix, par notre baptême, par le don de l’Esprit Saint vers lequel nous cheminons vers la Pentecôte. Nous cheminons vers la Pentecôte, c’est-à-dire le plein accomplissement de cette paix.
Et Jésus dit « Je ne vous la donne pas à la manière du monde. » On voit que cette paix nous est donnée dans la vie de Jésus. Elle traverse tout l’évangile, depuis la naissance et les anges qui chantent « Gloire à Dieu, paix aux hommes » ; dans les Béatitudes « Heureux les artisans de paix » et aujourd’hui dans l’évangile, Jésus annonce cette paix.
C’est très difficile, il faudrait regarder, méditer tous les passages d’évangile, pour comprendre quelle est cette paix. Elle a un caractère très paradoxal en fait. « Croyez vous que je sois venu amener la paix ? Non pas la paix mais la division. » Cette paix est paradoxale. Il y a une expression en espagnol « la pax sagrada » c’est la paix à laquelle nous aspirons tous : no conflict : pas de conflit ! c’est la paix à laquelle nous aspirons tous. Or cette paix n’est pas la paix que Jésus nous donne. On pourrait croire « Pas de conflit, pas de problème ! » Ne nous confrontons pas aux différences de point de vue. Il y a deux manières de faire ça : je t’impose mon point de vue ou bien j’entre dans un débat qui peut être difficile. Jésus n’a jamais eu peur de se confronter à des débats difficiles. Et il a été jusqu’au bout. Pourquoi ? Parce que l’enjeu n’est pas une paix de tranquillité, comme une mer plate, mais d’accéder à la vérité. Et ça demande l’engagement de toute notre personne : c’est donc une paix assez paradoxale. Quand il dit « Je ne suis pas venu amener la paix mais la division » c’est la division au sein des consciences. Je ne peux pas sortir de l’écoute de la Parole sans être remis en question par elle. Si je sors de la messe en disant « Ouais, c’étaient des récits assez sympathiques, j’ai bien aimé ces histoires là ; ou j’ai rien compris ; ou bon encore une fois ce récit, la barbe… », ou même sans avoir vraiment écouté, il y a quelque chose qui n’a pas fonctionné. En fait ce qui est important, et d’ailleurs c’est ce que nous vivons par exemple dans la Messe Qui Prend Son Temps (que nous revivrons un jour, bien sûr) ou dans la Lectio Divina pendant les vacances ou d’autres moments, c’est : à quelle conversion je me sens appelé ? Et si, en ayant écouté la Parole de Dieu, là le Seigneur est venu me toucher et m’inviter à me désinstaller, à changer mon cœur, alors la Parole de Dieu a porté son fruit. Et alors ce fruit a comme conséquence la paix. Parce que c’est comme ça qu’il nous la donne.
Voyez, Jésus s’est confronté à l’ennemi le plus violent de la paix : le prince de ce monde. Il s’y est confronté et il l’a vaincu. C’est l’assurance que nous avons et nous sommes heureux que Jésus retourne vers son Père parce que ce jour-là, et nous le découvrirons dans la fête de l’Ascension vers laquelle nous cheminons encore, c’est que Jésus ne s’est pas absenté, il a inauguré une nouvelle présence, il a garanti la paix à chaque fois que nous l’invoquons.
Amen