5e semaine du Temps Pascal année A – Ac 15, 1-6 ; Ps 121 (122) ; Jn 15, 1-8
Peut-être que nous pouvons nous appuyer sur ces dernières paroles de l’évangile : « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit et que vous soyez pour moi des disciples. » C’est ce que nous devons contempler et peut-être profiter de cette période. Bien sûr, nous sommes sortis de la période de confinement à proprement parler, nous n’en sommes pas totalement sortis, nous sommes en déconfinement, est-ce que ce ne serait pas aussi le temps d’une sorte de déconfinement, de relecture de cette période que nous avons vécue, une relecture spirituelle ?
Nous savons que Dieu n’est pas du tout à l’écart de ce qui se vit, il ne regarde pas son humanité de loin en disant « Voilà la situation, débrouillez-vous. » C’est vrai qu’il ne fait rien sans nous, mais c’est sûr qu’il fait aussi contribuer au bien tous ceux qui lui font confiance. Et en particulier, nous avons à nous appuyer sur la Parole de Dieu pour comprendre ce que Dieu est en train d’agir dans notre vie. En tout cas, il y a déjà cette perspective qui ne peut pas être une erreur, c’est la Parole de Dieu. Evidemment, c’est une Parole que nous accueillons dans la foi. Peut être que nous avons du mal à comprendre comment Dieu agit, mais dans la foi et avec l’aide de la Vierge Marie qui, comme le dit le Concile « Marie est la première à avoir emprunté son pèlerinage de foi ». Evidemment, vous n’imaginez pas une mère faisant son petit pèlerinage, personnel, sans que ça ait des conséquences très importantes sur la vie de ses enfants ; Saint Luc dit que « Marie garde ces événements et les médite dans son cœur. » Pourquoi fait-elle ça ? Justement pour que nous puissions en profiter et demander à Marie de nous aider à vivre ce que nous avons à vivre.
En tout cas, cette perspective, la volonté de Dieu, la gloire de Dieu, quelque chose d’extraordinaire, c’est que nous portions beaucoup de fruit et que nous soyons pour Jésus des disciples. Bien sûr, dans ce contexte social, on cherche peut être d’autres gloires, on cherche peut être à être en haut de l’affiche. Mais en réalité, du haut de la croix, nous pouvons constater le désir que Dieu a que notre vie porte du fruit.
Ça tombe bien de lire ce récit en cette période. Hier, je parlais avec des viticulteurs qui travaillaient justement la vigne avec des machines, qui permettent d’aller plus vite ; mais il y a énormément de travail manuel dans le travail de la vigne. Et si les vignerons travaillent de cette manière là, c’est pour qu’elle donne d’autant plus de fruits. C’est-à-dire qu’il n’y ait pas au bout des sarments des feuilles envahissantes qui étouffent, mais vraiment de belles grosses grappes. Et quand Jésus dit que la gloire de son Père c’est que nous portions du fruit, ce qu’il veut, c’est que nous soyons de belles grosses grappes. C’est vrai que c’est tout un processus, de transformation. Par exemple quand on taille des serments, euh des sarments…
(petite digression de Père Gilles après cette confusion de mot – NDLR) Les serments ! C’est aussi un point qui est important, vous savez dans notre vie on a prononcé sur nous des serments qui nous conditionnent et conditionnent notre vie. Quand on nous a dit, jeune : « De toute façon, tu ne seras jamais capable de rien », qu’est ce que vous voulez, à force de nous l’avoir répété, on a fini par être façonné… C’est un peu cette sève d’une forme de malédiction qui coule dans nos vies. Et dont on a toutes les peines à se débarrasser. Et on essaie de composer notre vie par tout un tas de stratagèmes pour faire bonne figure. Mais le Seigneur, lui, veut que nous soyons pleinement nous-mêmes. C’est paradoxal encore une fois, mais alors que nous sommes invités à porter des masques, le Seigneur veut que nous soyons en vérité, que nous n’ayons plus de masque. Ça c’est un processus qui se fait petit à petit pour nous libérer pour que nous soyons de plus en plus nous-mêmes. (fin de la digression ! – NDLR)
Et vous voyez dans la taille de la vigne, il y a un processus important : quand on taille le sarment pour le coup, et un peu le serment, elle pleure. La vigne pleure, de la sève coule jusqu’à ce qu’elle soit cautérisée. Un passage de l’Écriture dit « Le Dieu qui blesse est aussi le Dieu qui guérit » C’est vrai qu’il y a un processus de transformation qui peut faire pleurer la vigne. Ça peut nous aider à comprendre pourquoi il y a des moments difficiles dans notre vie, des moments d’épreuve, parce que le Seigneur, pour nous rendre pleinement à nous –même, il faut qu’il taille.
Mais ce que Jésus dit et qui est extrêmement important, c’est que c’est le Père qui accomplit ce travail, c’est son père. Là aussi, on a tous besoin d’être un peu guéris dans l’image paternelle que nous avons. Nous savons bien que notre relation à Dieu est marquée par la relation que nous avons eue avec nos parents. Il y a un extraordinaire passage, une très belle méditation dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, qui médite la prière du Notre Père et qui commence comme cela : Un travail que le Père a à faire est de guérir l’image paternelle que nous avons de Dieu pour que ce soit vraiment pleinement la révélation de Dieu en Jésus-Christ. C’est Jésus qui nous révèle le visage du Père, ce n’est pas seulement notre expérience, ou les blessures de notre vie ou ce que les autres en disent ; c’est Jésus ! Il faut contempler Jésus pour découvrir le visage du Père. C’est le Père qui fait ce travail.
Vous savez quel est le rôle du père dans la vie d’une personne ? C’est de conforter, d’affermir, de faire exister ; c’est ça le rôle du père ! Quand vous regardez l’icône du Fils prodigue de Rembrandt, que voyez-vous ? Vous voyez que le père a une main d’homme et une main de femme. La main de femme est celle qui veut faire entrer son enfant dans son sein, dans la miséricorde. Et la main d’homme, c’est celle qui est posée sur l’épaule, qui affermit son enfant : N’aie pas peur de vivre, je te donne la vie, je te fais grandir, et c’est pour cela que c’est important de savoir que c’est le père qui accomplit ce travail là.
Et la dernière chose qui est magnifique aussi : il y a plusieurs fois la préposition « dans » et « demeurer ». Ce n’est pas seulement être, c’est demeurer et rester avec quelqu’un, c’est entrer dans une intimité. Le sarment fait partie de la vigne, il tire sa vie de sa relation. Saint Jean Eudes dit qu’on est configuré au Christ. Le Christ vit en nous. Saint Paul dit « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. » Le sarment n’est pas à côté de la vigne, ce n’est pas seulement une excroissance de la vigne, il en fait partie, et nous faisons partie du Corps du Christ. La vie du Christ coule dans nos veines, et c’est ça qui va porter du fruit. Jésus dit « Malheureux êtes-vous si vous oubliez que sans moi vous ne pouvez rien faire ? »
Peut être que cette période de déconfinement avec tout ce que nous ressentons intérieurement et cette possibilité de relire les événements que nous avons vécus depuis 2 mois, en le relisant à la lumière de la Parole de Dieu, nous pouvons entrer dans une action de grâce. C’est ce que nous allons vivre maintenant : l’eucharistie, c’est l’action de grâce. Soyons dans l’action de grâce parce que nous croyons, dans l’ordre de la foi, que vraiment Dieu a agi. Ce n’est pas lui qui a voulu cette maladie et cette épidémie, évidemment que non. Ce n’est pas une punition ou la colère de Dieu ! Dieu est notre Père et dans tous ces événements là, il nous a travaillés. On ne peut pas dire que Dieu nous a laissé tomber ; c’est faux, c’est impossible de dire ça. Et nous les chrétiens nous avons à en témoigner en disant « Seigneur, je te rends grâce. Je ne vois pas tout, je ne comprends pas tout, mais en entrant dans ce grand mouvement de grâce, d’eucharistie, en fait, je crois vraiment que tu vas me révéler ce que tu fais dans ma vie et ce que tu fais pour tous »
Amen