Homélie du mercredi 4 novembre 2020

4 Nov 2020 | Homélies

Père Gilles Rousselet

31ème semaine du temps ordinaire – Année A (Ph 2, 12-18 ; Ps 26 ; Lc 14, 25-33)

Hier on avait le passage qui précède cette péricope que nous venons d’entendre, et avec cette béatitude qui était prononcée par ce convive au repas : « Bienheureux celui qui participera au repas de la vie éternelle, au banquet de la vie éternelle ». Et Jésus avait proposé cette parabole justement pour nous inviter à reconsidérer quelle est la profondeur de notre joie d’être chrétien. Évidemment, participer à ce banquet, c’est en particulier participer à l’Eucharistie, mais d’une certaine manière, quand on dit que nous avons la chance, la joie d’être chrétiens, qu’est-ce que ça veut dire ? Et donc je proposais que ce soit le fil rouge de ce temps de confinement, de nous laisser interpeller par la Parole de Dieu pour aller jusqu’à la profondeur de la vraie Joie d’être chrétien. Et c’est vraiment une manière très importante de tenir notre place dans la société aujourd’hui : quand nous célébrons la messe, même en diffusion, nous essayons de communiquer quelque chose. À vrai dire, nous ne communiquons pas quelque chose, comme la technique ou des choses comme ça, mais nous communiquons notre joie ! Je dis souvent que si on est un ou deux ou trois à la messe, ayons conscience de la raison pour laquelle nous sommes là : nous sommes là comme membres d’un corps, et tout ce que reçoit un membre du corps nourrit le corps dans son ensemble.

Ici, dans l’Évangile, Jésus est suivi par une grande foule, et alors il se tourne vers eux, et il dit : « Voilà, si quelqu’un veut être mon disciple, voilà les conditions ». Alors c’est un passage qui est important aussi, parce que, en fait, il est question de passer de l’état de foule à l’état de disciple. Donc il y a vraiment un choix à faire, on peut dire que ce passage, là, dans le sens pascal du terme, de mort et de résurrection, ne se fait pas sans notre propre décision. Voilà, on peut aussi décider de garder une certaine distance. Ce qui peut se comprendre, de toutes les manières possibles, et je ne parle pas seulement du respect des règles du confinement, parce que on peut vraiment participer à l’Eucharistie diffusée sur youtube, et vraiment avec le grand désir d’être disciple du Christ, et on pourrait être présent à la messe sans avoir fait le choix de passer de l’état d’un participant un peu éloigné et pas trop engagé à celui de disciple, c’est-à-dire celui qui va suivre le Christ.

Alors Jésus va poser trois conditions. Et vous avez vu comment ces trois conditions sont comme enchâssées, comme une espèce d’inclusion, au cœur du récit même. Alors c’est le signe que ces trois conditions vont être éclairées justement par la petite parabole. D’ailleurs je rectifie ce que je viens de dire : en fait il y a deux petites paraboles qui sont, elles, enchâssées dans les trois conditions nécessaires pour suivre Jésus. Autrement dit, les deux petites paraboles éclairent, illustrent les trois conditions.

La première condition, c’est vraiment très radical, parce qu’il y a des traductions qui disent que « si quelqu’un ne hait pas son père, sa mère et sa femme, ses enfants, il n’est pas digne de moi ». Alors c’est une expression qui est très forte, parce que, en hébreu, le relativisme n’existe pas. L’expression plus ou moins ça n’existe pas. Il n’y a pas de graduation, si vous voulez. C’est tout ou rien. Mais en fait, ce que Jésus dit est donc très radical, et c’est vraiment important de le comprendre comme ça : il faut le considérer, lui, comme médiateur de toutes nos relations. Il n’y a pas de relation qui puisse exister, les relations les plus importantes dans notre vie, celles qui nous structurent, notre famille, notre femme, notre mari, nos enfants, il n’y a pas de relation qui puisse vraiment exister, mais c’est aussi notre travail, nos activités, qui ne doivent pas être médiatisées par le Christ. Alors il faut faire bien attention parce que parfois, on pourrait fuir sa famille et ses responsabilités, sous prétexte de choisir Dieu, et de préférer ce qui se passe dans l’Église. Ce n’est pas non plus ce que Dieu demande, mais qu’Il soit vraiment le médiateur de toutes nos relations.

La deuxième condition c’est de porter sa croix. Alors évidemment Jésus dit : « Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple… » D’ailleurs dans cette recommandation de Jésus, il y a deux choses : il y a « porter sa croix », et « marcher ». Porter sa croix, ce n’est pas du dolorisme, c’est entrer dans cette dynamique de salut, qui nous a été gagnée justement par la Croix de Jésus. Et la Croix de Jésus, c’est le signe de notre salut : Jésus est mort et ressuscité, et donc porter notre croix et marcher à la suite de Jésus, c’est le contempler dans les événements de sa vie où il porte sa Croix, et de découvrir la force rédemptrice de la Croix. C’est-à-dire dans nos épreuves, en contemplant Jésus, ne jamais être écrasés par nos épreuves. Donc il ne s’agit pas de choisir de souffrir, mais de choisir, dans nos épreuves, de contempler le Christ, afin qu’il nous gagne toutes les grâces qu’il a gagnées par sa Croix.

Et puis la troisième chose c’est de renoncer à tout. Et alors, là, il y a ces deux petites paraboles qui concernent vraiment le cœur de la vie chrétienne, c’est : bâtir, et lutter. On peut dire que ce sont les deux caractéristiques de la vie chrétienne. Il s’agit de construire, et en même temps d’entrer continuellement dans le combat spirituel. Et là, pourquoi est-ce qu’il y a ces deux petites paraboles comme enchâssées dans ces trois conditions, eh bien parce que Jésus nous dit que ces trois conditions sont tellement importantes qu’elles nécessitent de notre part un choix. Ce n’est pas une option, ce n’est pas simplement du bon sens, mais c’est l’orientation définitive de notre vie. Et donc les deux petites paraboles disent : « Si tu veux construire quelque chose et que tu n’as pas les moyens d’aller jusqu’au bout, il vaut mieux t’asseoir, avec humilité, avec discernement, de la même manière que si tu veux engager un combat et que tu n’as pas les forces nécessaires pour remporter la victoire, avant de passer pour un ridicule et un inconscient, eh bien assieds-toi, fais le point, et prends les décisions qui conviennent. Et les décisions qui conviennent finalement, c’est quoi, c’est : être disciple, c’est un chemin qui est tellement exigeant, qu’on ne peut pas l’aborder du bout des doigts ou du bout des lèvres, mais il faut vraiment demander le don de l’Esprit Saint de pouvoir aller jusqu’au bout. C’est ça, à mon sens, la signification de ces deux petites paraboles au cœur de ces trois conditions que Jésus définit pour passer de l’état de celui qui fait partie de la foule à celui ou celle qui fait partie des disciples, et ça n’est possible, ça n’est réalisable qu’en demandant la grâce de l’Esprit Saint, parce que l’enjeu est vraiment décisif.

Amen.