Père Gilles Rousselet
Fête de la dédicace de la basilique du Latran (1Co 3, 9c-11.16-17 ; Ps 45 – Jn 2, 13-22)
Il y a beaucoup d’indications dans ce récit qui le situe dans un contexte pascal. Ce passage du Christ de la vie à la mort et de la mort à la vie, ce passage qu’il accomplit afin qu’il porte tous ses fruits dans notre vie. Il y a d’abord la mention de la pâque juive qui était proche. Et cette référence aux 3 jours « Et toi, en 3 jours, tu le relèverais ! »
Evidemment, les auditeurs n’avaient pas encore la clé pour comprendre de quoi Jésus parlait. Mais les apôtres eux, ont compris que Jésus parlait de son corps, comme annonce de sa résurrection. Évidemment, c’est un mystère insondable, qui demande le don de l’Esprit Saint et l’Esprit d’enfance, dans la mesure où nous accueillons la vérité, les lumières de Dieu avec notre cœur d’enfant, que nous pouvons vraiment nous en nourrir et les comprendre. Bien sûr, ça ne nous interdit pas de mobiliser notre intelligence et notre raison. Mais d’abord, comme des enfants qui accueillent tout de la part du Père, puisque comme dit Jésus en un autre lieu « Béni sois-tu Père, d’avoir révélé aux petits et aux pauvres ce qui demeure caché aux sages et aux savants. » Il est grand le mystère de la foi : c’est ce que nous vivons aussi dans chaque eucharistie. Avec Jésus, nous sommes morts et ressuscités. Si Jésus a vécu sa pâque, ce n’est pas seulement pour lui, parce qu’il n’en avait pas vraiment besoin, lui qui existait de toute éternité avec le Père et dans l’unité de l’Esprit Saint ; mais il a vécu son incarnation, il a vécu parmi nous, il nous a enseigné le Royaume de Dieu en paroles, en actes et dans son être, il est mort et ressuscité pour nous ouvrir le chemin. Ainsi, telle est notre perspective.
Et c’est vrai que cette « loi » s’applique justement à ce lieu qui est central pour les Juifs. Jésus prophétise que ce temple va être détruit, le grand temple de Jérusalem – qui, pour les Juifs, est vraiment le signe de la présence de Dieu, un signe incontournable. Et donc par la mort et la résurrection du Christ, nous découvrons qu’il y a 3 manières aujourd’hui de vivre la présence de Dieu parmi nous.
D’abord et avant tout c’est par le Christ que nous rencontrons Dieu. Jésus est vraiment la demeure de Dieu parmi les hommes : c’est le mystère de l’incarnation vers lequel nous cheminons. Nous approchons du temps de l’Avent, temps donné pour approfondir l’incarnation du Verbe, de ce Dieu qui s’est fait homme : Dieu avec nous pour nous sauver et pour nous guérir. C’est vraiment en Jésus que nous pouvons rencontrer Dieu. Ce qui fait dire à la Samaritaine, dans cette rencontre en Saint Jean que désormais il n’est plus nécessaire d’aller à tel ou tel endroit, mais c’est vraiment dans la rencontre avec le Christ que nous pouvons rencontrer Dieu en vérité.
Le deuxième lieu est évidemment l’Eglise : l’Église, ce nom ecclésia, veut dire que notre communauté ne se reçoit pas d’elle-même. L’événement de l’érection de notre paroisse, de notre Église locale, est vraiment un événement important, nous le recevons comme un don de Dieu. Nous sommes appelés à être une communauté unie dans nos différences pour réaliser ici et maintenant le royaume de Dieu tel que Dieu nous le confie.
Et le troisième lieu, c’est nous même : nous sommes le temple de l’Esprit. Peut-être dans ce temps de confinement, puisque ce temps de confinement est aussi une grâce. Évidemment comme nous le savons bien Dieu n’est pas en confinement, pas plus que sa grâce au contraire. Dans ce temps de confinement, Dieu va nous manifester sa présence.
La première chose, pendant ce temps, pouvons-nous approfondir notre relation à Dieu par Jésus-Christ ? Comment pouvons-nous vraiment nous mettre en disposition de faire l’expérience de Jésus, que ce ne soit pas une personne dont nous parlons, mais une personne avec qui nous vivons ce confinement ? Par la Parole de Dieu. Nous avons aussi instauré le chapelet : quel est l’intérêt du chapelet ? C’est avec Marie, méditer les mystères de la vie de Jésus. Un peu comme lorsqu’on met un sachet de tisane dans l’eau bouillante, la tisane infuse : la prière du chapelet, la méditation des mystères joyeux, douloureux, glorieux et lumineux, nous fait vraiment entrer pleinement dans la vie et les mystères des états de la vie de Jésus par Marie, comme le dit Saint Jean Eudes. Et aussi ce que dit l’évangile selon Saint Luc : « Marie gardait et méditait ces événements dans son cœur » pour justement nous les communiquer. Donc nous avons déjà deux moyens de lire et méditer la Parole de Dieu. C’est la raison pour laquelle on va vous proposer des temps de lectio divina mais aussi pourquoi pas redécouvrir la grâce du chapelet.
La deuxième chose est d’aimer l’Eglise parce qu’elle est aussi le corps du Christ. Ici et maintenant, aimer notre communauté, prier pour elle. Et voir comment nous pouvons développer des liens ; ce n’est pas très facile en présentiel : créer des liens spirituels, des liens amicaux et fraternels. Vous savez que le premier charisme d’une communauté (notre évêque disait que notre communauté est une famille, vraiment il le percevait comme ça), quand on a une famille, comment pouvons-nous, nous les membres de cette famille, entretenir des liens en passant un coup de fil, en proposant des services, en prenant soin les uns et des autres, en particulier des plus petits. Mais aussi en priant pour le pape, en priant pour tous ceux qui décident et en priant pour qu’on puisse avoir accès au sacrement.
Le troisième point, c’est nous-même comme le temple de l’Esprit. Hier je proposais qu’on redécouvre l’action de grâce, car c’est inimaginable tout ce que le Seigneur accomplit dans notre vie. Dans les plus petits détails : il fait un temps magnifique aujourd’hui, c’est somptueux. L’évêque qui téléphone juste avant la messe pour nous dire que notre paroisse est érigée. Je lui ai dit « Père, c’est quand même un beau signe que vous nous fassiez cette annonce le jour de la dédicace de la basilique de Latran. »
C’est aussi redécouvrir la grâce de notre baptême parce que nous sommes enfant de Dieu et nous le sommes vraiment.
Et puis voir comment nous pouvons prendre soin de nous. On est un peu obligé de vivre autrement. Prendre le temps de se reposer, c’est-à-dire de se poser à nouveau. Prendre le temps de marcher, de s’oxygéner, de prendre soin de soi. Parce que nous sommes le temple de l’Esprit et quoiqu’il en soit, nourrir et se nourrir de cette présence de Dieu en nous, ça passe beaucoup par la prière.
Prendre quelques instants chaque jour, quelques instants d’oraison, pour nous nourrir de cette présence et demander au Seigneur. Parce que des marchands du temple, il y en a à tous les niveaux en nous : toutes ces priorités que nous nous donnons habituellement et qui ne sont pas celles du Royaume de Dieu. Au nom de Jésus, nous pouvons lui demander de venir faire un peu le tri dans notre vie. Ça ne se fera pas sans notre consentement, mais c’est sûr qu’avec sa grâce, tout est possible. Amen.