Père Gilles Rousselet
32ème sem. du temps ordinaire- Année A (Tt 3,1-7, 11-14 ; Ps 22 ; Luc 17, 11-19)
Il y a dans l’histoire de Saint Jean-Paul II un moment qui est assez important, un véritable tournant, quand il est confronté à la violence, à l’horreur des conflits dans son pays. Il est vraiment tenté par la violence, par la révolte, par l’envie de prendre les armes et d’aller en découdre, ce qui serait tout à fait compréhensible et légitime. Puis il rencontre un carme qui discute avec lui et qui lui dit quelque chose comme ça, je ne sais plus exactement les propos, il lui dit « Le mal se nourrit de lui-même, mais il finira toujours par disparaître, tandis que l’amour peut vraiment changer le monde. » Et ça a vraiment été un tournant dans sa vie, quelque chose de décisif qui a probablement marqué tout l’apostolat du Pape Saint Jean-Paul II, et la manière qu’il a eu de faire tomber des obstacles, des barrières, et d’intercéder, d’agir pour la paix dans le monde. Et nous en savons toute la fécondité. Je pense à ça à la fois aussi parce que nous sommes le 11 Novembre, et que nous faisons mémoire de tous ces conflits qui ont décimé l’humanité, qui continuent encore de se perpétrer aujourd’hui. Et aussi parce que c’est la fête de Saint Martin, et que nous pouvons recourir à son intercession. Voilà, nous les chrétiens, nous avons un recours qui est extrêmement puissant, qui ne consiste pas forcément à prendre les armes, quelles que soient les armes dont il est question, mais en nous aimant les uns les autres.
La première lecture de Paul à Tite dit quelque chose comme ça, qu’il y a en nous on peut dire tous les germes de division, de conflit, mais Dieu a envoyé son Fils. Et dans sa bonté, dans sa miséricorde il a vraiment transformé les choses. Il a donné vraiment une autre orientation à notre vie, à ce qu’il y a en nous, on peut dire qu’il a changé notre cœur comme dit la prophétie d’Ézéchiel, il a enlevé notre cœur de pierre pour mettre un cœur de chair, pour y mettre son Cœur et son Esprit. C’est vraiment ça qui nous est donné, et dans la réception de cet Esprit, l’Esprit de Jésus Christ, un Esprit de paix, dans les plus petits gestes de la vie quotidienne, dans les plus petites orientations de notre être, nous pouvons vraiment changer le monde. Nous avons une puissance en nous qui peut vraiment changer la face du monde. Et je pense que c’est toujours à ça qu’il faut revenir. Ça n’est pas quelque chose de passif, en fait ça paraît dérisoire. Le vivre, par exemple dans ma famille, dans ma communauté, en essayant d’aimer les autres. Les enfants aujourd’hui vont pouvoir voir sur Youtube une vidéo que nous avons réalisée, pour savoir comment, quand on ne peut pas aller à l’église, au catéchisme, comment est-ce que l’on peut vraiment rencontrer Jésus. Et alors nous avons pris la parabole des talents avec eux, cet Évangile que nous entendrons dimanche prochain. Et voilà, on a à notre disposition, alors que Jésus est auprès du Père, une puissance considérable dans les plus petits actes. Sainte Thérèse de Lisieux disait : « Les plus petits actes faits par amour, chez moi, là où je suis, dans cet investissement de mon cœur… » Je peux vraiment donner une autre orientation à la vie du monde parce que Jésus est vraiment présent dans ces tout petits actes. On pourrait dire « Mais qu’est-ce que je pourrais faire pour changer tout le mal qui existe dans le monde, et y compris d’ailleurs une certaine persécution des chrétiens ? » La réponse est vraiment dans la manière que Jésus a eue d’agir en donnant sa vie. Alors on peut penser à ça vraiment aujourd’hui de manière simple, par les plus petits actes d’amour et de service, par un sourire, eh bien je peux vraiment contribuer à donner une autre orientation au monde. Et c’est extrêmement puissant.
Dans l’Évangile, il y a quelque chose d’une pédagogie de la relation avec Jésus qui est en jeu. Si vous voyez, ça correspond aussi un peu à cet état du confinement. Ces 10 lépreux vont rencontrer Jésus, et puis entrer en relation avec lui, d’une manière qui est vraiment très importante pour nous, que nous avons besoin de redécouvrir. Et Jésus va les envoyer ! Il ne leur donne pas la possibilité de rester avec lui à ce moment-là, mais à aller. C’est aussi une certaine forme d’éloignement, de confinement. Alors qu’est-ce que cet Évangile nous permet de découvrir ? D’abord, vous voyez qu’il y a 2 niveaux dans la foi. Ces 10 lépreux viennent vers Jésus à partir de leur propre souffrance, probablement que la réputation de Jésus le précède, et ils s’adressent à lui. Je vais y revenir après. Cette manière de s’adresser à Lui est très importante. Et Jésus leur dit « Allez-vous montrer aux prêtres ». Un commentateur disait « C’est comme si à Lourdes, aux malades qui étaient là on disait ‘Allez-vous montrer au bureau de constatation des miracles’, alors qu’ils ne sont pas encore guéris. » Et voyez, les 10 lépreux y vont. Aller se montrer aux prêtres, c’était toujours le fait qui attestait qu’un malade de la lèpre était guéri. Donc ils posent quand même un acte de foi qui est exemplaire. Ils pourraient dire « Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? C’est un charlatan. » Mais ils vont vraiment se montrer aux prêtres. Et c’est dans ce cheminement là qu’ils vont être guéris. Alors, voyez, donc ils ont la foi, et au nom de leur foi ils sont exaucés, mais c’est en cheminement. C’est vraiment quelque chose que nous approfondissons dans les soirées Bartimée, c’est que la guérison se fait en cheminement. On pourrait dire ‘Je viens à Bartimée, et je veux être guéri tout de suite’. Dans les soirées Bartimée d’une certaine manière Jésus dit : Allez-vous montrer aux prêtres. Soyez en chemin. Et c’est aussi ce que nous avons à vivre dans le confinement. Il n’est pas question de dire « Mais on est confinés, on ne peut rien vivre dans la foi ». D’une certaine manière, Jésus nous dit allez, cheminez, et vous verrez bien ce qui va se passer dans ce cheminement. C’est un cheminement intérieur. C’est le premier niveau de la foi. Mais il y a un deuxième niveau de la foi qui est très important, qui est à mon avis le niveau décisif de la foi : c’est qu’il y en a un seul qui revient. Et d’ailleurs Jésus lui dit « Va, ta foi t’a sauvé ! Relève-toi, ta foi t’a sauvé ! » Ça, c’est le niveau de la foi, on pourrait dire mystique. C’est la véritable relation avec Jésus. Des fois on est guéri par ce médecin spécial qui s’appelle Jésus, et une fois guéri on n’a plus besoin du médecin. C’est aussi ce que nous approfondissons dans les soirées Bartimée, en fait la guérison est le moyen aussi que Dieu met à notre disposition pour rentrer vraiment en relation avec lui. Pleinement. Et des fois nous sommes guéris mais nous perdons la grâce de la guérison parce que notre relation avec Jésus n’a pas changé. Alors maintenant si on regarde notre relation avec Jésus, là telle qu’elle est révélée dans l’Évangile, elle passe par 3 niveaux :
- Le premier niveau c’est le cri de ces lépreux. Le Pape Benoît XVI disait que toute prière véritable commence par un cri. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire d’abord que ça part un peu comme un bébé. C’est aussi ce que dit le Pape Benoît XVI, ça part on peut dire de la réalité de nos besoins les plus profonds. Un bébé crie parce qu’il a faim, parce qu’il a besoin de la tendresse de sa maman. Et en fait c’est important la prière ce n’est pas quelque chose d’intellectuel. C’est quelque chose de profondément existentiel. Ça part de nos tripes. Et nous nous adressons à Celui seul qui peut répondre à nos besoins. Prends pitié de moi ! Prends pitié de moi ! Voyez c’est le premier niveau. La prière véritable commence par l’expérience que nous faisons du besoin vital de la miséricorde de Dieu.
- Le deuxième niveau c’est : il revient en rendant grâce à Dieu. C’est vraiment le niveau de la louange, de la gratitude si vous voulez. Ça, c’est aussi la prière, notre rencontre avec Jésus passe finalement par notre action de grâce. Nous avons reçu quelque chose. Au début du confinement, je disais que c’était important de retrouver l’action de grâce. Simplement le bénédicité chaque jour. Parce que nous reconnaissons que tout ce que nous avons vient de Dieu. C’est un don qui est complètement gratuit, mais parfois nous sommes un peu comme si tout était normal. Tout ce que Dieu… mais enfin c’est normal qu’il nous donne tout ça ! On peut aussi méditer l’Évangile des serviteurs désintéressés. Voilà. Notre joie est dans le service. On n’a pas besoin d’autre récompense que celle de pouvoir servir avec le Seigneur.
- Le 3ème niveau de la prière, c’est l’adoration. Et voyez, quand on est dans cette relation avec Jésus, dans l’adoration, et c’est vrai que c’est pour ça que nous maintenons l’adoration Eucharistique, quand on est à ce niveau-là, on a vraiment atteint la maturité de la foi.
3 niveaux qui sont aussi à vivre en Église. La mission de la communauté, c’est de permettre à chacun de vivre ces 3 niveaux. Le niveau du cri, c’est le ministère, on peut dire de l’intercession. Si la paroisse propose des soirées de guérison, ce n’est pas seulement pour guérir, mais c’est aussi pour exercer notre charisme d’intercession. Nous relayons le cri de nos frères. C’est aussi la grâce de la prière universelle. Le deuxième niveau c’est celui de la louange. Pourquoi y a t-il si souvent de la louange dans notre communauté ? Parce que c’est finalement notre manière de nous conduire ensemble vers l’action de grâce, le remerciement pour tout ce Dieu fait pour nous. De la même manière nous maintenons l’adoration y compris dans la nuit du vendredi au samedi, pour que nous puissions grandir, devenir mûrs vraiment dans la foi. Il me semble que dans ce récit que nous venons d’entendre, nous pouvons reconnaître cet itinéraire auquel le Seigneur nous convie et qui est tout à fait absolument praticable en temps de confinement.
Amen.