Père Laurent de Villeroché
32ème semaine du temps ordinaire – Année A (2 Jn 1a. 4-9 ; Ps 118 ; Lc 17, 26-37)
En principe, la Parole de Dieu – puis l’homélie – est chargée de faire un peu de bien. Il faut reconnaître que, aujourd’hui, dans le contexte, en plus, que nous connaissons, ce n’est pas très facile d’être passablement optimiste, et la liturgie nous met dans une drôle d’ambiance, jour après jour, depuis quelques jours – et ça va encore durer pendant une semaine – la liturgie nous met dans une ambiance de fin des temps, et ce n’est pas si simple que ça. Alors, rassurez-vous, ce n’est pas une prédiction pour les jours qui viennent, et donc ce n’est pas une annonce du journal de 20 heures, il faut tout de même prendre un peu de distance. Nous sommes là dans un genre littéraire, comme l’on dit, à savoir une manière de s’exprimer. Les auteurs de l’Évangile, les auteurs des Écritures s’inspirant de Jésus et de l’urgence qu’il mettait de temps en temps dans ses paroles – et puis c’est repris par la liturgie – essaient de nous emmener au bilan de fin d’année qui est en train d’arriver, ce sont les jours qui viennent. Puisque – quand je dis : fin d’année, évidemment, je ne pense pas à la fin d’année civile, je pense à la fin de l’année liturgique – puisque dans huit jours nous allons fêter la fête du Christ Roi de l’univers, avec cette question qu’il nous est bon de nous poser à la fin de chaque année : « Est-ce que le Christ a vraiment régné dans ma vie ? Est-ce que le Christ a vraiment régné dans ma vie pour l’orienter ? » Alors au fond les textes que nous entendons sont là pour nous alerter, pour nous pousser à ce bilan qui est à la fois nécessaire, et parfois… nous réalisons nos écarts, mais en même temps un bilan qui peut nous faire du bien si nous le prenons au sérieux. Parce que, évidemment, quand le Christ règne dans une vie, l’orientation est beaucoup plus simple.
Alors nous avons deux styles : nous avons le style de l’Évangile avec ce qu’on appelle le genre littéraire apocalyptique : il suffit d’entendre ce mot-là un peu inédit pour se dire que c’est sérieux. Voilà, nous sommes dans le style apocalyptique de certains chapitres de l’Évangile. Et le message, c’est de nous dire que, effectivement, le Seigneur vient sans prévenir : il ne va pas nous annoncer les choses très précisément, en disant que ʹj’arrive dans tant de jours, etc.ʹ et c’est une invitation à la vigilance de tous les instants. Et nous avons plein d’exemples de la vie quotidienne. Vigilance de tous les instants, pas simplement lorsque nous sommes à la messe, que ce soit en présentiel, ou en visio, pas simplement le dimanche, mais à chaque instant de nos vies.
Et puis il y a quand même le style de la première lecture, alors je vais m’y arrêter un peu plus, parce que nous en avons besoin. Le style de la première lecture est quand même moins anxiogène
Deuxième Lettre de Saint Jean. C’est Saint Jean sans doute à la fin de sa vie, et dans ce qu’il exprime, nous avons d’emblée : « Moi, l’Ancien… » Et on imagine un peu un Saint Jean arrivé à la fin de sa vie. Il a traversé bien des choses, bien des crises, il a aussi connu tous les apôtres, cette succession, ces premiers chrétiens qui ont découvert la Foi, qui ont découvert ce que ça faisait d’avoir le Christ dans sa vie. Alors, il est à la fin de sa vie, et vous savez, quand on est à la fin de sa vie, ça arrive, c’est un peu normal, ce n’est pas forcément les petites choses de la vie courante qu’on va raconter, on apprend moins de choses, on est moins dans l’enthousiasme des débuts, de plein de choses à communiquer. Il se trouve qu’à la fin de sa vie, quand on vieillit, parfois on se répète. Parfois même on se répète beaucoup, mais ce n’est pas très grave s’il s’agit que dans cette répétition, au fond, on répète les choses importantes, les choses qui donnent le goût à une vie, les choses qui orientent une vie. Et nous avons cette phrase : « Moi, l’Ancien, dit-il, finalement je ne vous répète qu’une seule chose : Aimons-nous les uns les autres, car c’est le plus important d’une vie », et il a pris ce message de Jésus.
Alors si on creuse un tout petit peu pour rejoindre notre actualité, eh bien dans le texte cet Ancien s’adresse à la Dame élue de Dieu. Là encore c’est une superbe formule. Alors bien sûr ça veut dire que il s’adresse, lui, l’Ancien, dans le message qu’il a à transmettre, à l’Église. L’Église qu’il nous invite à voir comme notre mère. Et de fait pour rester vigilants dans notre quotidien, il importe de rester unis à l’Église, notre mère. Il importe, ensemble, avec tous les enfants de cette mère, d’essayer de continuer à marcher, sans nous laisser troubler. Comme le dit le texte : « Prenez garde à vous pour ne pas perdre le fruit de votre travail », autrement dit tout ce que vous essayez de faire pour vivre et pour être chrétiens.
Alors, en cette période, demandons au Seigneur de retenir le message de cet Ancien, demandons au Seigneur de garder la tête froide, mais le cœur chaud. Et pour cela restons attachés à l’Église notre mère, qui nous conduit toujours, d’une manière ou d’une autre, au Christ. Et laissons son Esprit, l’Esprit du Christ, régner dans nos vies. Et nous saurons aimer.