Père Joseph Le Gall
33ème semaine du temps ordinaire – Année A (Ap 5, 1-10 ; Ps 149 ; Lc 19, 41-44)
Saint Luc est le seul évangéliste à nous rapporter le précieux épisode de la vie de Jésus qui vient de nous être raconté.
Au terme d’un long itinéraire, la petite caravane qui accompagne Jésus parvient à une dernière hauteur qui domine Jérusalem, la ville sainte.
De là Jésus contemple toute la ville avec son temple, ses palais, ses maisons et ses murailles. En un instant c’est aussi alors toute l’histoire du peuple choisi, du peuple de la Promesse, toute l’histoire du peuple de la première Alliance, qui est comme rendue là présente sous ses yeux.
Devant ce spectacle, nous dit saint Luc, Jésus ne peut contenir son émotion, il pleure.
L’ensemble du texte laisse clairement entendre que ce n’est pas son propre sort, le sort tragique qui, dans quelques jours le conduira à la croix, non ce n’est pas son sort personnel qui d’abord attriste Jésus et lui arrache des larmes de douleur, mais le sort de cette ville qu’il a sous les yeux et qui, dans la personne de ses chefs refuse obstinément de s’ouvrir au message de paix qu’il vient lui apporter.
« Ah ! Si, toi aussi, soupire Jésus, tu avais reconnu, en ce jour, ce qui donne la paix ! Mais hélas cela est resté caché à tes yeux…Tu n’as pas reconnu le temps où tu étais visitée ».
Devant ce soupir et ces larmes de Jésus, c’est le vrai visage de Dieu qui apparaît. Non pas le visage d’un juge intraitable que décrète avec une rigueur implacable le châtiment, mais le visage d’un Dieu infiniment compatissant qui, le cœur navré, dit sa désolation de ne pouvoir éviter la catastrophe, la ruine de Jérusalem, faute d’avoir été entendu.
Méditant sur cette scène d’évangile un auteur contemporain n’hésite pas à affirmer que dans les larmes de Jésus nous trouvons sans doute la plus belle et la plus haute révélation de Dieu et de son amour pour nous… Un Dieu incapable de nous contraindre, de nous forcer à l’aimer, malgré nous, un Dieu qui se remet entre nos mains, un Dieu qui nous fait donc un crédit insensé, un Dieu si respectueux de notre liberté qu’il ne peut finalement entrer dans notre histoire personnelle que par le consentement de notre amour.
Et nous pouvons alors nous tourner vers le Christ Jésus pour lui adresser cette prière :
« Seigneur Jésus, tu as pleuré jadis sur Jérusalem qui n’avait pas compris le rendez-vous d’amour que tu lui avais fixé ; tu dois aussi verser des larmes sur nous, lorsque tu nous vois devenir indifférents au message de pardon et de paix que tu nous présentes dans ton évangile. Ouvre donc largement notre cœur à ta parole qui toujours peut nous redonner vie et apprends-nous à reconnaître le temps où tu nous visites, c’est-à-dire, aujourd’hui même, en cette eucharistie qui nous rassemble ici (ou dans nos maisons) autour de toi, notre Sauveur et notre Dieu à jamais. »