Père Laurent de Villeroché
Apocalypse 20, 1-4.11 – 21, 2 ; Ps 83 ; Lc 21, 29-33
Je l’ai rappelé il y a un instant, l’Évangile se terminait hier : Quand les événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête car votre rédemption est proche. Heureusement qu’il y a eu cette petite finale de l’Évangile hier, parce que les textes d’aujourd’hui continuent à nous mettre dans une drôle d’ambiance. Alors on pourrait entrer dans les détails, on s’apercevrait que, finalement, il y a un message très positif, très beau, qui se passe, mais, lorsqu’on l’entend un peu rapidement, peut-être le matin, parce qu’on n’est pas tout à fait réveillé, commencer une journée en entendant parler de dragons, de bête, de morts, de morts parce qu’ils sont morts, ou de première mort, de seconde mort et tout ça, reconnaissons-le, ça ne donne pas trop le moral dans les conditions actuelles.
Et pourtant, comme le commentait le Père Joseph hier dans son homélie, tous ces textes ne sont pas là pour nous faire peur, loin de là, mais pour nous inviter à creuser une sorte de vigilance active en chacun, chacune de nous.
Alors peut-être qu’il y a juste un petit verbe, qui arrive comme un refrain, qui peut nous y aider. Vous l’avez sûrement entendu, on pourrait reprendre le texte comme ça, dans cette insistance, je le scande presque comme un refrain : J’ai vu… dit l’auteur de l’Apocalypse, puis : j’ai vu…, et puis : j’ai vu… Alors, j’ai vu… J’ai vu cette Terre nouvelle et ce Ciel nouveau. C’est un petit peu comme si, par ce refrain, l’Apocalypse nous invitait à avoir un regard toujours plus attentif. C’est comme si l’auteur de l’Apocalypse nous invitait à forger notre regard à nous, ce regard qui finalement a le point de vue des autres, ou qui se laisse impressionner par des images, ou qui ne prend pas le temps lui-même de décanter – d’ailleurs vous le savez bien, quand on prend les lunettes de quelqu’un d’autre, on voit rarement bien – Il y a justement une sorte de regard personnel à ajuster. On sent que c’est bien Dieu qui nous demande petit à petit de regarder les choses comme elles sont, dans un regard personnel qui discerne au-delà des apparences, et qui aide à comprendre ce que Dieu veut, lui, nous faire voir.
Voilà, des textes qui, peut-être, nous invitent tout simplement à entrer dans ce regard plus contemplatif de ce qui émerge, et peut-être de la part que nous pouvons prendre à cette émergence : Ciel nouveau, Terre nouvelle. Et au fond, ce que l’auteur de l’Apocalypse vit, en disant : J’ai vu…, ce dont il témoigne, eh bien c’est tout simplement d’une réponse à Jésus dans l’Évangile, puisque Jésus, à ce moment-là, invite ses disciples autour de lui : Voyez, regardez…, et qu’il invite à poser ce discernement. Il invite – et c’est peut-être là que nous avons la clé la plus profonde – il invite à réaliser que tout passera – donc méfions-nous de l’apparence des choses, même si elles peuvent aussi être très belles à certains moments – Et il indique : Mais mes paroles ne passeront pas. Mes paroles ne passeront pas. Voilà, peut-être que nous sommes invités, pour bien voir les choses, peut-être pas tant à voir qu’à écouter. Peut-être que nous sommes tout simplement invités, je vais dire une image, à nous asseoir à côté de Jésus, à nous imaginer que nous faisons – et c’est au fond ce que nous faisons dans notre prière – à nous asseoir à côté de Jésus tout simplement pour pouvoir entendre de lui comment il parle des gens, du monde, comment il nous invite à endosser sa manière de voir à lui. Parce que chaque fois que nous serons à ses côtés, à écouter ses paroles, à entrer en dialogue avec lui, nous sommes sûrs d’arriver peu à peu à poser des actes qui ne passeront pas.
Alors n’ayons pas peur, comme le disait l’oraison d’ouverture, laissons-nous regarder par Dieu, et puis surtout entrons dans ce dialogue avec le Christ, et il nous aidera petit à petit à voir ce qui grandit pour la gloire de Dieu, et pour le salut du monde.
Amen