Homélie du lundi 30 novembre 2020

30 Nov 2020 | Homélies

Père Laurent de Villeroché

Fête de Saint André, Apôtre (Rm 10, 9-18 ; Ps 18 ; Mt 4, 18-22)

On a à peine commencé la proclamation et l’écoute de l’Évangile, qu’il est déjà fini. Et son contenu dit bien la même chose : « Viens et suis-moi. Et aussitôt, ils laissent tout. » C’est sûrement intéressant pour nous de réentendre cet Évangile parce que ça nous rappelle que lorsque nous apprenons, quand nous arrivons à connaître l’Amour du Christ, quelque part c’est une rencontre et que ça change tout, ça devrait tout changer. Et que, quelque part, la transformation est là et que si nous ne répondons pas, si nous tardons trop, c’est que quelque part nous avons encore un progrès à faire et que nous avons à demander au Saint Esprit qu’il nous aide à le rencontrer vraiment et profondément.

Donc un évangile qui, par sa brièveté, nous redit le sérieux de la rencontre qui transforme une vie. Et pourtant, reconnaissons-le, et c’est même tout à fait normal, il faut du temps pour qu’une rencontre porte son effet.

Ce matin-même, je donnais un cours par zoom [Père Laurent enseigne la liturgie à L’Institut Catholique de Paris -NDLR], puisque j’avais quelques étudiants qui étaient en face mais je ne les voyais pas aussi bien que je vous vois [parole adressée à la petite assemblée – NDLR], là maintenant. Je donnais un cours sur les ordinations et ils se sont arrêtés, à un moment, sur une petite expression qui arrive dans la liturgie d’ordination où vous avez l’évêque qui conclut une partie de l’ordination en disant « Que Dieu lui-même achève en vous ce qu’il a commencé. » Cette petite phrase vient juste après l’engagement des ordinants. Là où les ordinants s’approchent de l’évêque et se mettent debout juste devant lui. Et il les interroge : « Est-ce que vous voulez devenir mes collaborateurs ? Est-ce que vous voulez… ? Est-ce que vous voulez… »  Et puis à la fin des questions, chaque fois ils répondent « Oui, je le veux, je le veux avec la grâce de Dieu. » Il y a donc cette formule qui vient avant que ne commence la litanie des saints et cette très longue prière qui va accompagner l’imposition des mains et la suite de l’ordination. Ça nous montre que finalement, toute suite de Jésus, toute réponse que nous lui donnons, est à la fois notre volonté, notre désir de suivre ; et en même temps, c’est le travail que lui-même va faire ; et ça peut prendre un petit peu de temps.

Donc, on peut peut-être  garder de la brièveté du texte, ce sérieux qui se passe lorsque le Christ nous rencontre. Et pourtant, il faut parfois du temps, c’est toujours une collaboration entre la grâce de Dieu et la liberté de l’homme. Parce que l’appel dans une vie, ce n’est pas un coup de dé, au sens où Dieu jouerait aux dés, nous choisirait en disant « Toi je te prends et toi je ne te prends pas. » Ce n’est pas non plus un coup de tête de la part de la personne qui répond… C’est une collaboration, mais à partir du sérieux d’une rencontre.

Et quand on réfléchit à cette fête de Saint André qui se passe ce premier jour d’une année liturgique, c’est une belle invitation à vivre l’ensemble de notre vie comme un appel. Un appel auquel nous avons à répondre parce que la vocation ce n’est pas fait que pour les prêtres, n’est pas fait que pour des religieux. On parle bien de la vocation au mariage. Là aussi, il y a un amour humain qui est disponible : un homme, une femme s’aiment ; ils vont répondre à l’appel de Dieu dans cet échange des consentements ; ils vont répondre à l’appel qui est de donner un petit peu de cet amour libre, fidèle, indissoluble qui est celui de Dieu ; ils vont refléter cet amour de Dieu. Il y aura une prière de bénédiction, la bénédiction nuptiale qui viendra les consacrer pour cette mission.

Appel, réponse et consécration : exactement comme cela se passe pour des prêtres ou pour une profession religieuse. Mais au fond, cette même aventure est encore plus fondamentalement celle de toute vie chrétienne, comme nous le voyons en particulier dans le parcours du baptême des adultes. Vous savez, il y a un moment qui s’appelle « l’étape de l’appel décisif ». À ce moment-là, on demande à chacun de ceux qui ont commencé à être évangélisé « Quel est ton nom ? Que veux-tu ? » On interroge les gens qui les ont accompagnés. Et puis arrive ce dialogue, cette inscription du nom. Et le célébrant se tourne alors vers les candidats en leur disant une belle formule : « Dieu est fidèle à son appel. À votre tour de lui offrir votre fidélité, comme nous l’avons tous fait, avec sa grâce » Et il désigne alors ceux qui l’entourent « de tout votre cœur, efforcez-vous de parvenir à la pleine vérité de cet appel. » Il y a encore l’idée d’achever ce qui a pu commencer et ce que vivent les catéchumènes adultes. Au fond, c’est ce dont nous ne nous apercevons pas beaucoup lorsque nous avons été baptisés tout petit…

Mais ce qui se déploie dans le baptême d’adulte nous rappelle que Dieu sans cesse appelle d’abord pour être avec lui mais aussi parce qu’il a besoin de collaborateurs. Et à notre tour, nous sommes invités à lui offrir notre fidélité. Alors, que Saint André, comme le disait la prière d’oraison, puisse intercéder pour notre Église, pour notre nouvelle paroisse, pour chacun, chacune de nous ; afin que nous devenions de plus en plus conscients au long de cette année de cette fidélité de Dieu, de l’appel qu’il nous lance, de cette invitation que chacun de nous nous puissions activement lui offrir notre fidélité.

Amen