Père Joseph Le Gall
Jeudi 1ere semaine de l’Avent – Isaïe 26, 1-6 ; Psaume 117 ; Mt 7, 21-24-27
Ce passage d’évangile est la conclusion de l’ensemble des discours de Jésus que Matthieu a regroupés aux chapitres 5, 6 et 7 de son évangile, communément appelé le sermon sur la montagne. L’enseignement qu’il nous donne aujourd’hui est clair. Aucune contradiction, aucune distorsion ne devrait exister entre nos paroles, entre ce que nous disons au Seigneur dans la prière / et nos actes ; entre notre écoute de la Parole de Dieu et sa mise en pratique dans ses exigences les plus concrètes.
Mais nous savons, hélas, qu’il n’en est pas toujours ainsi en nos vies. Trop facilement nous restons au stade des bonnes intentions et nous n’arrivons pas à passer, comme disait s. Vincent de Paul, « de l’amour affectif, tout rempli des meilleurs sentiments du monde, à l’amour effectif, qui est, précisait-il, l’exercice des œuvres de charité, le service des pauvres, entrepris avec joie, courage, constance et amour. »
Dans un langage percutant et avec une petite pointe d’humour qui invite au réalisme, s. Vincent de Paul, au 17ème siècle, dénonçait donc, lui aussi, vigoureusement, comme Jésus, l’erreur, l’erreur tragique qui va jusqu’à transformer la prière en une sorte de refuge qui dispenserait d’agir ensuite selon l’évangile.
« Aimons Dieu, mes frères, disait-il, aimons Dieu mais que ce soit aux dépens de nos bras. Car bien souvent tant d’actes d’amour de Dieu, de complaisance, de bienveillance et autres semblables affections et pratiques d’un cœur tendre, quoique très bonnes et très désirables, sont néanmoins très suspectes, quand on n’en vient pas à l’amour effectif, à l’amour en acte. En cela, dit Notre Seigneur, mon Père est glorifié, que vous rapportiez beaucoup de fruits. »
Le jugement de st Vincent de Paul peut paraître sévère. Mais ne nous méprenons pas cependant sur ses paroles !
S. Vincent de Paul ne veut évidemment pas, en aucune façon, exalter l’action au détriment de la prière. Il sait parfaitement que la prière, la vraie prière, celle qui nous fait découvrir la volonté de Dieu sur nous, et qui nous ouvre à son action en nous, il sait bien qu’une telle prière n’occupera jamais une trop grande place dans nos vies. Ce que M. Vincent veut c’est que nous revenions sans cesse au Christ Jésus lui-même, afin de rendre notre conduite toujours plus conforme à la sienne. Toute la vie du Christ est comme une parole en acte. Le Christ est, nous dit s. Paul, l’Amen de Dieu, celui qui a toujours dit « oui » en parole et en acte à la volonté de Dieu Son Père et celui, aussi alors, en qui Dieu le Père a pu réaliser parfaitement toutes ses promesses.
Pour tenir bon comme disciples du Christ, être solide comme une maison fondée sur le roc, il n’y a, en définitive, qu’un seul chemin : prier le Seigneur, ouvrir largement son cœur à sa Parole afin de toujours mieux connaître sa volonté et, et agir en conséquence.
C’est dans son élan d’amour vers son Père pour le salut de tous que le Christ Jésus nous rejoint encore ce soir en cette eucharistie. Laissons-nous saisir par lui, et comme lui, sachons transformer en offrande d’amour les gestes les plus ordinaires de notre vie de tous les jours.