Père Gilles Rousselet
Lundi après l’Epiphanie – 1Jn 3, 22-4,6 ; Ps2 , Mt 4, 12-17.23-25
Entre hier et aujourd’hui, on a fait un bond non négligeable. Ce n’est pas du tout que nous sommes passés d’une année à l’autre, parce que ce n’était pas entre hier et aujourd’hui, mais on a fait un bond entre la naissance de Jésus et cette autre naissance, on peut dire, qui est le commencement de sa prédication. Pourquoi est-ce que la liturgie nous invite à faire ce bond ? Justement pour que nous percevions bien pourquoi Jésus est né, pourquoi le Verbe de Dieu s’est fait chair. Et quand nous avons contemplé avec émerveillement (en tout cas, je l’espère) la naissance de Jésus, pas en regardant une date anniversaire sur un calendrier, comme on pourrait le faire pour nos propres anniversaires, mais vraiment en l’accueillant ; parce qu’en ce Noël un peu particulier, marqué par le confinement, par des mois d’incertitudes, d’inquiétudes et de ténèbres, le Seigneur a voulu naître et comme on l’a vraiment approfondi dans l’évangile, dans cette solennité de l’Épiphanie hier, le Verbe veut se faire chair dans note humanité aujourd’hui : vraiment, nous l’accueillons. Et ce Jésus que nous accueillons, voilà comment il réalise l’évangile.
Ce qui est intéressant, c’est le pape Benoit XVI qui regardait d’où venait le mot évangile. Évangile, ça veut dire « bonne nouvelle », mais en fait le sens est beaucoup plus profond si on considère qu’était qualifié d’évangile, toutes les interventions de l’empereur de l’époque. Et pas spécialement chrétien évidemment. Tout ce que l’empereur édictait comme discours ou comme demande devait être accompli immédiatement. La reprise du terme évangile pour la prédication de Jésus et pour la personne de Jésus est marquée par cette autorité. Ce n’est pas seulement informatif, mais c’est performatif disait le pape Benoît XVI. C’est-à-dire que l’évangile quand nous l’accueillons, produit en nous ce qu’il dit.
Et quand Jésus reprend la prédication de Jean-Baptiste, il reprend exactement les mêmes termes. Mais ils n’ont pas tout à fait le même sens. Jean-Baptiste disait « Convertissez-vous, le Royaume de Dieu est proche » lui parlait d’une proximité chronologique : il est bientôt là. Quand Jésus reprend exactement le même enseignement : « Convertissez-vous le Royaume de Dieu est proche », en fait il dit que la proximité du Royaume de Dieu dépend essentiellement de la relation que nous avons avec Lui. Et vous voyez en fait, que dans ce passage d’évangile, Jésus est en train de poser les bases de cette proximité avec lui. D’abord il est dit qu’« il sort de Nazareth », ça y est, il est sorti de ce temps extraordinaire de Nazareth, qui n’est pas du tout une parenthèse dans la vie de Jésus. En fait, c’est extrêmement important, le temps et la spiritualité de Nazareth, qui est une spiritualité de l’enfouissement ; et une période de notre vie qui est très importante. Mais il sort de Nazareth un peu comme le mystère de l’incarnation : Jésus est sorti du sein du Père, de l’éternité, pour entrer dans le temps, pour sanctifier le temps et pour nous apporter le salut.
Et vous avez vu comment il apporte le salut ? On doit vraiment accueillir ça. D’abord, le premier temps est une conversion : il s’agit de nous convertir. C’est pareil, l’enseignement de Jean-Baptiste était un peu différent. L’enseignement de Jésus est la conversion, d’ailleurs comme nous le dit la première lecture, que nous pouvons méditer avec cette clé de compréhension, la conversion est en fait changer de type de relation avec Dieu. Puisque Dieu s’est fait proche en Jésus, se convertir c’est accueillir pleinement la proximité de Dieu en Jésus Christ. Et c’est donc que Jésus puisse vivre en nous. Et vous avez vu sur quelle base Jésus va fonder une relation de confiance en lui : il va guérir tous les malades et libérer tous les esprits, tous les gens aliénés. Ça c’est l’évangile, ce n’est pas une option ! C’est de cette manière-là que Jésus entre dans l’histoire des hommes et que vraiment, comme dit la prophétie d’Isaïe que nous avons entendue dans ce passage d’évangile, la lumière va gagner sur les ténèbres. Et voyez au service de quoi nous sommes : nous sommes au service de la miséricorde de Dieu. Mais qui mieux que ceux qui ont expérimenté cette miséricorde peuvent en être les témoins ? On n’est pas les témoins d’un enseignement, d’un dogme. Nous sommes les témoins de la miséricorde de Dieu en nous. D’où l’importance de faire le point en ce début d’année en se posant la question : où et comment ai-je fait l’expérience de la miséricorde de Dieu ? Quand me suis-je donné l’occasion pour la dernière fois de faire l’expérience de la miséricorde de Dieu ? Par exemple, c’est quand la dernière fois que je me suis confessé ? Vous savez, le premier lieu de l’expérience de Dieu est le confessionnal… Alors, c’est quand la dernière fois que je me suis confessé ? C’est clair, c’est une question qui se mesure très facilement sur ce point-là ! Il y a d’autres manières de faire l’expérience de la miséricorde. Mais comme c’est le lieu ordinaire de cette expérience, c’est quand la dernière fois que je me suis confessé ? Pour faire l’expérience de la miséricorde de Dieu et la partager avec les autres. Les soirées Bartimée, les soirées Hosanna’M, l’École de la foi, les temps d’adoration du saint sacrement, c’est quoi ? C’est entrer dans cette logique de Dieu, dans cette pédagogie divine qui vient se présenter à nous comme celui qui nous sauve, qui nous guérit, qui nous libère et qui nous envoie.
Amen