Père Gilles Rousselet
1ère semaine du TO – année impaire – He 1, 1-6 ; Ps 96 ; Mc 1, 14-20
De manière très « impertinente », comme à son habitude, Marie-Anne m’a demandé pourquoi j’étais en étole blanche (rire…) : parce que je n’avais pas d’étole verte à disposition. Mais je devrais être en vert ! Cela dit, le temps ordinaire est un temps qui ne doit pas mettre la confusion en nous et dire « c’est un temps ordinaire, donc c’est moins important que les autres grandes fêtes liturgiques, en particulier celles que nous venons de vivre : la Nativité et l’Epiphanie ». En fait, le temps ordinaire est le temps que l’Eglise, dans sa grande sagesse, nous donne pour vraiment approfondir tous les mystères de la foi, tous les grands événements de la vie de Jésus ; parce que si on regarde concrètement, nous y avons été préparés pendant le temps de l’Avent, mais la Nativité du Seigneur, finalement, c’est un temps assez court dans une année complète. Et on pourrait très bien passer de ça à ça sans avoir recueilli tous les fruits ; or nous avons vécu la Nativité, dans la perspective, d’une certaine manière, du temps ordinaire. C’est-à-dire qu’à partir de la Nativité, nous pouvons vraiment recueillir, comme disait le prophète Isaïe, tous les fruits, toute cette semence de Vie éternelle, de lumière et de sagesse, que le Seigneur veut semer en notre vie. Et « comme la pluie qui ne remontera pas au ciel avant d’avoir accomplie ce pour quoi elle est descendue », ainsi, les mystères de la Nativité et de l’Épiphanie de notre Seigneur vont pouvoir porter beaucoup de fruits… Donc en fait, je me suis mis volontairement en blanc ! (je demande pardon au Seigneur pour ce petit mensonge…)
Aussi, en nous appuyant sur la première lecture, qui est un plongeon abyssal, dans le mystère du Christ. « Le Fils qui porte l’univers par sa parole puissante, après avoir accompli la purification des péchés, s’est assis à la droite de la majesté divine, dans la hauteur des cieux ». C’est absolument extraordinaire que pendant ce temps ordinaire, nous nous plongions dans ce mystère de ce que Jésus a accompli pur nous dans notre vie. Lui qui s’est fait homme, le « Verbe qui s’est fait chair », lui qui est le créateur, le fondateur de l’univers, il a accompli tout ce pour quoi il est venu, à savoir nous apporter le Salut et la vie éternelle. Et voilà que tout d’un coup notre vie prend un autre aspect et dans l’ordinaire de notre vie, l’extraordinaire de l’Amour de Dieu pour nous porte tous ses fruits.
Vous avez vu aussi qu’on commence le premier jour de la première semaine du temps ordinaire avec le tout début de l’évangile selon Saint Marc. Et là, nous pouvons repérer deux choses importantes qui peuvent jalonner, rythmer, notre temps ordinaire :
D’abord, la prédication, la première parole de Jésus dans l’évangile de Marc est « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile. » Dès le premier jour du temps ordinaire, nous sommes plongés à la fois dans cette proximité de Dieu pour nous et dans la nécessité de l’accueillir. C’et vraiment ça que nous allons avoir à creuser pendant cette année. Puisque le règne de Dieu s’est fait si proche, maintenant chaque instant de notre vie doit être un accueil de ce règne de Dieu qui est venu pour nous convertir. C’est ça le premier temps : en réalité, on avance dans la foi de conversion en conversion. C’est ça qui marque notre progression dans la foi. Ce n’est pas qu’on récite bien ses prières, qu’on a été tous les jours à la messe (même si c’est important). Cela dit, nous venons à la messe tous les jours pour quoi ? Parce que la Parole de Dieu veut nous convertir. Et donc, à la fin de la messe, il faut que chacun puisse se poser cette question : « Comment la Parole de Dieu, aujourd’hui, m’a touché comme un glaive à double tranchant, et à quelle conversion elle m’appelle ? » Alors là, nous pouvons être sûrs que jour après jour, notre vie changera et que nous serons de plus en plus convertis.
Et vous avez vu aussi : le début de la prédication de Jésus commence par l’appel des disciples. C’est-à-dire par chacun de nous. On a l’impression qu’il y a une certaine immédiateté : Jésus les appelle et aussitôt, ils quittent tout. Mais si vous regardez la finale de l’évangile, en fait à ce moment là ils ont suivi Jésus. L’important pour nous alors c’est comment nous suivons Jésus comme des disciples ? Pour apprendre à vivre de lui. Et après, comment cette rencontre avec le Seigneur va changer notre vie ? C’est la raison pour laquelle Jésus ne dit pas à Simon Pierre « Tu ne vas pas devenir électricien, mais tu vas devenir pêcheur d’hommes… C’est-à-dire que c’est bien dans l’exercice de notre travail, dans notre devoir d’État, que nous pouvons le mieux entendre l’appel du Seigneur. Et c’est dans l’accomplissement de notre devoir d’État que nous pouvons le mieux témoigner du Seigneur.
Il y avait un Père de L’Église qui disait de manière très belle que c’est vrai que les premiers apôtres n’ont pas dû renoncer à grand-chose, car ils n’avaient pas grand-chose… Mais il y a quelque chose à laquelle justement, ils ont renoncé en offrant le peu qu’ils avaient au Seigneur : c’est à la convoitise. Vous savez, quand on aime l’argent, on n’en a jamais assez. Et là, ce à quoi les premiers apôtres ont renoncé, c’est à la convoitise, c’est-à-dire à cette envie qu’il y a en nous d’acquérir le bonheur par des biens passagers et quel que soit le moyen par lequel on va acquérir ces biens, mais qui ne peuvent jamais nous conduire au bonheur. Et là, dans cet appel à la suite du Christ, ce à quoi les apôtres ont renoncé, c’est précisément à la convoitise. Dieu seul peut nous procurer le bonheur.
Amen !