Père Gilles Rousselet
2ème semaine du TO – année impaire – He 7, 1-3.15-17 ; Ps 109 ; Mc 3, 1-6
D’où l’importance de lire l’Évangile en continu pour pouvoir comprendre le contexte dans lequel nous sommes. Ça paraît peut-être un épiphénomène d’événements isolés, en réalité là où on en est dans l’Évangile selon Saint Marc, Jésus a déjà posé des actes qui ont, c’est le moins qu’on puisse dire, un peu excité, agacé même ses interlocuteurs. S’ils sont là en silence à l’observer, c’est parce que c’est un peu le sommet, vous savez l’importance du shabbat pour les juifs. Mais Jésus auparavant a déjà posé des actes très forts, très parlants, qui ont mis en tension ses interlocuteurs. Par exemple Il a mangé avec des pécheurs. Et puis il y a eu la question récente au sujet du jeûne : les disciples de Jean-Baptiste et ceux des pharisiens jeûnent, les tiens ne jeûnent-ils pas ? Et puis il y a eu aussi l’épisode des épis arrachés. Avec la réponse de Jésus, qui était marquante. Et là donc à nouveau Il est dans la synagogue.
Alors ce petit mot « à nouveau » doit attirer notre attention. C’est-à-dire qu’il va vraiment y avoir, non pas un enseignement de plus, simplement, mais quelque chose de nouveau qui va nous éclairer, nous interpeller. Et il y a un homme qui est là avec la main atrophiée. Vous savez que dans l’anthropologie chrétienne, la main c’est ce qui permet d’agir, de transformer le monde. Ce n’est pas seulement un élément de notre corps, mais c’est symboliquement ce qui nous permet d’agir. Et donc il a la main atrophiée et ne peut pas agir.
On pourrait imaginer que dans ce contexte de tension, Jésus prendrait cet homme à l’écart et guérirait sa main. Personne ne s’en serait rendu compte, enfin en dehors de l’entourage direct de cet homme. Il aurait pu dire à cet homme : Écoute, ne va pas te montrer en public, rentre chez toi, rends grâce à Dieu. Et ça n’aurait pas donné des éléments suffisants ou supplémentaires à ses interlocuteurs pour décider après de se réunir et de le mettre à mort. Là au contraire il fait une sorte de mise en scène. Il met cet homme au milieu. Là d’ailleurs vous remarquerez que c’est un des seuls miracles que Jésus va accomplir sans que personne ne lui demande rien. Habituellement, au moins, quand Jésus va accomplir un miracle, Il rétablit la relation. Ce n’est pas seulement qu’il va répondre à la demande de la personne. Vous vous rappelez par exemple cette femme qui vient toucher le bas du manteau de Jésus, dans cette foule, au moment de la guérison de la fille de Jaïre. Et Jésus cherche vraiment à entrer en relation avec cette femme. Alors les disciples lui disent : mais enfin il y a toute cette foule qui t’oppresse de partout, et Jésus va entrer en relation avec cette femme. Mais ici non, simplement il prend cet homme, le met là au milieu. C’est une véritable mise en scène pour insister on peut dire sur le sens de ce qu’il vient accomplir, pour dire que le sabbat est vraiment fait pour l’homme. Le sabbat c’est le moment où Dieu vient visiter son peuple. Dieu rassemble son peuple. On pourrait comprendre que le sabbat, comme dans le livre de la Genèse c’est le jour où Dieu ne fait plus rien. Or c’est en pleine contradiction avec ce que Jésus est venu révéler. Il dit Lui-même d’ailleurs : Mon Père est toujours à l’œuvre. Donc le sabbat, ce n’est pas le jour où Dieu ne fait rien. C’est justement le jour où Dieu rassemble son peuple pour lui dire précisément : la transformation du monde ne se fait pas que par le travail. Mais nous devons tout recevoir du Seigneur. C’est bien fait, Sa Miséricorde, justement, la capacité de travail : D’ailleurs Il va rendre à cet homme sa capacité d’agir et de travailler dans le monde.
Et puis il y a cette question qui nous interpelle, au plus profond de nous-même. Le jour du sabbat, précisément, est-il permis de faire le bien ou de faire le mal ? C’est la question éthique, la question morale. Est-ce qu’il est permis de sauver une vie ou de tuer ? Et là, vous voyez, Jésus renvoie ses interlocuteurs à leur désir profond finalement, de le faire taire. Moi je dirais simplement qu’heureusement que Dieu ne s’est pas posé la question du permis et du défendu, en particulier le jour du sabbat. Parce que si c’était la question du permis, je ne voie pas bien pourquoi il Lui serait permis de nous sauver en fait, c’est un devoir, c’est un commandement, c’est le sens même de la vie. Dieu est amour. Et parce que Dieu est amour, il manifeste cet amour. Et il n’y a pas d’autre préoccupation de l’amour que de grandir, de se révéler, de se manifester, de se communiquer :
Et pour nous, la seule question, c’est, voilà, puisque nous sommes aimés de cette manière-là, puisque Dieu se fait si proche de nos vies, puisque Dieu est la source de notre être, de notre agir, de notre pensée, de tout ce que nous sommes, eh bien entrons aussi, et c’est ça l’unique commandement que Jésus laisse : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Et précisément si nous venons à la messe, c’est parce que c’est la Sacrement de l’amour. Parce que nous faisons l’expérience qu’il y a trop de limites dans notre capacité à aimer autant que Dieu voudrait que nous aimions. Alors qu’est ce qu’Il fait ? Eh bien Il pardonne notre incapacité à aimer, et Il se donne à nous afin que nous puissions aimer comme Il aime.
Amen.