Homélie du vendredi 22 janvier 2021

22 Jan 2021 | Homélies

Père François Jourdan

2e semaine du TO – année impaire – He 8, 6-13 ; Ps 84 ; Mc 3, 13-19

Voilà que la première lecture donne l’impression que l’Alliance nouvelle en Jésus rend caduque la première, celle d’avant. « Ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître ». Oui, si on n’en vit pas c’est sûr. Mais malheureusement, pendant des siècles, « Amour et Vérité se rencontrent », c’est très beau cette phrase-là, c’est remarquable : toujours les deux, il n’y a pas d’amour s’il n’y a pas de vérité. Et si on trahit la vérité c’est du bluff. Et je peux vous dire que dans les relations interreligieuses on en est loin. On pourrait développer. Alors c’est un gros travail. Et si nous ne le faisons pas, évidemment, pendant des siècles on a cru contre les juifs. C’est toujours un problème, le christianisme est issu du judaïsme, et alors, qu’est-ce qu’on fait avec les juifs ? Et donc on a enseigné, pas dans les conciles, mais enfin de manière ordinaire, que la première alliance était caduque, que Jésus prenait la place. La substitution. Dans la relation judéo-chrétienne, je le sais bien, je fais partie de l’Amitié judéo-chrétienne de France depuis vingt ans, je vois bien le problème. Alors maintenant, heureusement, voyez, il y a un chemin qui a été fait en particulier qui a été fait avec le concile, et puis depuis, nous reconnaissons que l’Alliance d’Abraham, du peuple juif, c’est aussi la nôtre, et elle est toujours valide. Pour nous et pour eux. Donc, attention, la phrase de la première lecture, il ne faut pas la comprendre de travers. « En parlant d’Alliance nouvelle, Dieu a rendu ancienne la première. Or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître. » Il n’est pas question de l’annuler. D’ailleurs Jésus dit lui-même : « Je ne suis pas venu pour abroger, pour abolir, mais pour accomplir ». Donc quand on dit « nouveau », il faut savoir ce qu’on met sous les mots : ce n’est pas entièrement nouveau, c’est une continuation et un accomplissement. Et de fait, voyez c’est intéressant dans l’interreligieux aussi, avec évidemment notre foi chrétienne, ça nous oblige à mieux la comprendre, nous voyons que Jésus est pleinement Dieu et pleinement homme. C’est l’accomplissement complet de l’Alliance, entre Dieu et les hommes. Ça n’enlève rien de ce qui était donné par Abraham avec le début de l’Alliance et l’histoire du salut. Ça, c’est notre foi biblique, juifs et chrétiens, aucune autre religion ne connaît ça. Je ne dis pas les autres personnes, mais les chemins ne sont pas pareils. Et là, l’audace de Dieu, elle est grande, alors quand nous voyons dans l’Évangile, Jésus qui rassemble … il en prend douze, comme les douze tribus d’Israël, voilà, ce n’est pas pour faire un nouveau peuple : ils sont tous juifs. Mais, on voit bien la symbolique : c’est, là aussi, l’aboutissement de cette Alliance, où Dieu met dans le coup, avec Lui  –  il ne fait pas les choses tout seul, ce n’est pas vrai, il faut laisser ça aux dieux impérialistes et jupitériens, que les hommes souvent ont eu tendance à imaginer. Par l’Alliance, justement, c’est une audace très forte, eh bien Dieu fait avec les hommes. Seulement, il ne fera pas à notre place, nous avons notre travail à faire. Et si nous ne le faisons pas c’est bien de notre faute, il faudra en assumer les conséquences, voyez. Alors en particulier, quand Jésus nous a libérés du politique justement, même entre protestants, les luthériens et les calvinistes, il y avait des problèmes politiques, avec l’Allemagne, etc., Luther a fait avec les princes allemands, bref, on ne va pas revenir sur tout ça. Mais évidemment, avec les catholiques aussi, etc. le problème politique a été un piège majeur. Alors Jésus nous a libérés, avant on ne s’en était pas aperçus. Alors ça nous oblige, l’interreligieux et l’œcuménisme, entre chrétiens, nous obligent à mieux approfondir notre foi et mieux comprendre notre chemin, et les pièges qu’on n’a pas su voir, ou par lâcheté on est tombés dedans, parce que c’est tellement confortable de récupérer le pouvoir politique, eh bien oui. Et puis le pouvoir politique est tellement content de pouvoir récupérer les religions. C’est le piège : les deux font une alliance qui est contre nature. Et là, Jésus nous a vraiment libérés. Et là, cette liberté du Christ, qu’il essaie d’emmener avec douze bons apôtres qui, comme nous, ne sont pas forcément extraordinaires. Dieu fait avec ! c’est magnifique, cette audace-là. Et ça, ça ne vient pas des hommes, parce que, à vue humaine, Dieu ne peut pas se prendre en partenariat, lui qui est à l’origine de tout, se prendre en partenariat avec des créatures, quelques bonshommes…   Les hommes n’avaient pas pensé ça. Ce que nous appelons l’Alliance, eh bien on l’oublie beaucoup trop. Je le fais remarquer souvent, mais c’est une vérité : dans aucun de nos deux Credo liturgiques, des grands conciles, dans aucun il n’y a le mot « Alliance ». Ah, bien on oublie toujours quelque chose…   Vous m’excuserez, mais ce n’est pas un détail. Ça s’explique : les problèmes de l’heure sur le moment, les dissensions entre chrétiens pour comprendre la foi chrétienne, avec les différentes hérésies, christologiques… il y a tout un contexte historique, c’est vrai, mais enfin c’est tout de même important, et ce n’est peut-être pas tout à fait par hasard. Et encore aujourd’hui, moi j’insiste beaucoup pour contrebalancer justement le manque, souvent nous oublions l’Alliance. Par exemple le baptême : combien de fois le prêtre célèbre des baptêmes, les diacres etc. célèbrent des baptêmes, on ne parle pas de l’Alliance. Eh bien c’est l’entrée dans l’Alliance, le baptême ! On dit « enfant de Dieu », d’accord, mais justement, c’est par l’Alliance. Alors on n’est pas au point. On est en retard d’analyse doctrinale, voyez. Alors pour expliquer ça à nos…  ça leur passe par-dessus la tête, et terminé, et les gens vont voir ailleurs, ce n’est pas parlant. Alors qu’au contraire nous avons un joyau.

Alors que cette semaine de prière pour l’unité chrétienne puisse nous aider à nous mobiliser, à mieux comprendre notre foi. Et là, on peut se retrouver ! Tous les chrétiens de quelque tendance soient-ils, se retrouvent dans le baptême et dans l’Alliance, enfin voyons. Alors on pourrait avancer, voyez. Et là, il y a des lourdeurs, et puis on  autre chose, enfin il y a toujours un tas de raisons, c’est ça l’histoire de l’Église. Eh bien le Seigneur Jésus, il a pris douze bougres, comme nous sommes tous, pour pouvoir faire ce chemin.