Père Gilles Rousselet
3ème semaine du Temps Ordinaire année impaire – He10, 11-18 ; Ps109 ; Mc 4, 1-20
En écoutant cette première lecture, ce passage de la lettre aux Hébreux, qui est un récit un peu particulier quand même : il paraît que ce n’est même pas une lettre et pas aux Hébreux. Enfin peu importe, mais c’est la richesse extraordinaire de ce texte. Je pensais en moi-même au contexte qui est le nôtre aujourd’hui, d’ailleurs de ce contexte aussi dont parle l’Évangile, ce terrain dans lequel est semée la Parole, c’est le contexte de notre vie. Ce n’est pas quelque chose, une réalité anachronique, décalée. C’est notre vie quotidienne. Et dans le contexte qui est le nôtre, qu’est-ce qui est vraiment de nature à apporter une réponse différente, une réponse essentielle, parce que nous sommes tous en quête de sens… surtout justement dans cette période, beaucoup de choses nous posent question, beaucoup ont la prétention de donner une réponse. Au bout de quelque temps, nous nous rendons compte que la réponse qui est donnée est quand même loin d’être satisfaisante.
Mais alors, quand on accueille la Parole de Dieu, par exemple Jésus-Christ au contraire, après avoir offert pour les péchés un unique Sacrifice… il n’y a pas à chercher d’autre sacrifice que celui-là, eh bien Il s’est assis pour toujours à la droite de Dieu. Il attend désormais que ses ennemis soient mis sous Ses pieds parce qu’en unique offrande Il a mené pour toujours à leur perfection ceux qu’Il sanctifie. Et c’est vraiment ce que nous vivons dans chaque Eucharistie. La raison pour laquelle nous venons ici, ce n’est pas pour fêter, célébrer, faire mémoire d’un événement du passé, mais il est actuel, il est unique. Nous célébrons la messe aujourd’hui comme l’unique Sacrifice du Christ. L’unique, c’est-à-dire ce moment où justement, Jésus vient sanctifier tous ceux qui le reçoivent et qui croient en Lui. C’est ça le mystère de l’Eucharistie. Et l’on n’aura jamais fini d’approfondir le sens de ce que nous vivons ici. Il n’y a rien de plus sensé, en fait, dans notre vie, que le moment où nous nous réunissons pour célébrer l’Eucharistie.
Mais du coup, parce que tout ce qui cherche à avoir de l’influence, l’idée c’est je suis un centre d’influence. Je vais influencer mon entourage. Pour nous les chrétiens, la messe, l’Eucharistie, le Sacrifice unique du Christ est la réponse définitive et absolue. Et vous voyez que dans notre présence ici, comme dans le déploiement de la liturgie, il y a une dimension absolument missionnaire. C’est-à-dire nous ne venons ici pas pour nous-même. Évidemment nous venons ici parce que nous voulons être sanctifiés, rendus justes, sauvés par le Christ, par Son unique sacrifice. Mais ça n’est pas concevable que nous ne le vivions que pour nous-même. Donc il faut chercher en permanence comment nous pouvons témoigner de ce que nous recevons ici. Sinon, vous savez, c’est un peu comme le grain de blé où cette Parole de Dieu qui est semée là dans la terre de notre vie, et qui ne va pas porter du fruit non pas parce que le terrain ne serait pas bon, ou en bon état à ce moment là, mais simplement parce que la graine ne serait pas semée.
Et la messe : j’aime bien dire que la messe commence quand elle se termine en fait. Parce que « messe » veut dire « être envoyé ». Voilà, nous avons tous à chercher comment nous sommes appelés à témoigner, à être le sel de la terre, le levain dans la pâte, la lumière du monde. Ça ne dépend pas de nos perfections, de nos vertus, ça dépend de la qualité d’accueil de cette graine (j’ai fait un mélange, pas graisse, ah non, j’ai fait un mélange de grâce et de graine…) Et même finalement dans notre manière de vivre la liturgie, de voir comment elle peut être, elle doit être. Immédiatement ipso facto missionnaire.
Dans l’Évangile alors Jésus fait une homélie, ce n’est pas la peine que j’en refasse une… Sur la signification de cette Parabole il l’explique lui-même à ceux qui veulent bien écouter. J’attire votre attention sur le début et la fin. Parce que c’est ça vraiment qui est important. Le début c’est que Jésus ne choisit pas le terrain sur lequel Il va semer la semence, qui est la Parole de Dieu. D’où l’importance toujours de la Parole de Dieu dans notre vie. Quelle place a cette semence dans notre vie ? En considérant l’extraordinaire, illimitée, fécondité même de cette Parole. Donc la première chose, c’est Jésus n’a pas choisi le terrain dans lequel Il sème Sa Parole. C’est vraiment dans lequel Il se sème Lui-même à vrai dire, parce que la Parole de Dieu c’est Jésus Lui-même. C’est donc la relation avec une personne dont il est question, vous le savez bien. Voilà, c’est un semeur qui sème sans limite on peut dire. Et j’allais dire peu importe d’une certaine manière le gâchis.
Et la dernière chose, c’est ce qui est dit à la fin, y compris dans Son interprétation. Il y a ceux qui accueillent la Parole de Dieu dans un terrain qui est bon, et qui donne du fruit à 30, 60, 100 pour 1. Un jour j’ai demandé à un cultivateur à quoi correspondait une telle fécondité, il dit c’est inouï, inouï. En fait c’est une fécondité, une récolte qui est immense, voyez. Et c’est ça qui est important, c’est ça la perspective de notre vie. La Parole est semée très largement sans limite. Et au terme, de toute façon, elle portera du fruit, à 30, 60, 100 pour 1.
Et ce qui se passe entre les deux, c’est l’histoire de notre vie. C’est-à-dire que pour le terrain devienne du bon terrain, vous savez c’est l’humus : Et l’humus c’est la même origine que l’humilité. Et finalement on n’a pas tellement à chercher quel terrain je suis, mais plutôt quel terrain je deviens. Et c’est vrai que cette humilité, cet humus, la bonne terre, l’engrais en fait se constitue de la mort de la végétation de la saison précédente. Autrement dit, si je reconnais devant Dieu que je ne suis pas un bon terrain, que je ne suis pas disponible, que mon cœur est dur, que je suis fermé, que je suis trop superficiel, que je le reconnais avec confiance, et bien petit à petit le terrain de ma vie va s’enrichir. Voyez, c’est ça finalement l’histoire de notre vie. Ce n’est pas de savoir quel terrain je suis, mais quel terrain je suis appelé à devenir, et de le vivre dans l’humilité, la contrition et la confiance dans la miséricorde de Dieu.
Amen.