Père Gilles Rousselet
2ème semaine du TO – année impaire – He 9, 2-14 ; Ps 46 ; Mc 3, 20-21
Voilà, il y a deux jours on avait fait l’expérience assez étonnante de Jésus qui dans son attitude prenait soin de Lui : il avait demandé à Simon Pierre, de tenir une barque à sa disposition, pour monter dessus, pour ne pas être écrasé. Bien, alors ce n’est pas très courant que Jésus ait cette attitude-là, d’habitude vraiment il se livre.
Au moment de sa passion on peut dire qu’Il ne retiendra rien, absolument rien, quoi que ce soit pour se protéger Lui-même et se livrera totalement : à la violence, à la haine et jusqu’à la mort, jusqu’à la dernière goutte de son sang. Et aujourd’hui à nouveau dans ces deux petits versets, on voit cette foule attirée par Jésus.
Ça c’est vraiment la caractéristique de l’évangile qui est Jésus lui-même, qui est le royaume de Dieu, présent parmi nous, qui exerce sur nous une aimantation, une force d’attraction considérable qui fait que les foules viennent à sa rencontre. Les raisons pour lesquelles les foules viennent vers Lui ne sont pas toujours très claires. Beaucoup peuvent venir comme après la multiplication des pains, parce qu’Il leur a donné à manger. Beaucoup peuvent venir parce qu’Il les a guéris, parce qu’Il les a libérés. Nous savons bien que l’essentiel est que grandisse en nous une relation de qualité avec Jésus : ce qu’on appelle « la foi » finalement, qui est la seule vraiment capable de nous rendre heureux. Et nous savons bien, enfin je crois que nous essayons de le savoir, que si Jésus guérit ou libère, ou s’Il nous donne ce dont nous avons besoin, c’est surtout pour enlever les obstacles, qui nous empêcheraient d’être en relation avec Lui.
Et là il y a un autre aspect, une réaction assez étonnante de son entourage. Dans un autre évangile c’est vraiment la famille de Jésus, y compris la mère de Jésus, qui demande de sortir dans le cercle dans lequel Il est. Et là, l’entourage de Jésus, trouvant qu’Il a perdu la tête, le terme est très fort, c’est vraiment qu’Il est devenu fou, insensé ; c’est à dire qu’Il n’a plus la capacité, on peut dire, de faire face à la réalité, et là pour le protéger et protéger la famille, protéger ses proches. Vous savez dans l’histoire de Sainte Bernadette par exemple, il y a un moment comme ça, suite au rayonnement des apparitions Bernadette et sa famille n’ont plus du tout de repos et de tranquillité et on cherche disons à la préserver, mais aussi à préserver le repos et la tranquillité, peut-être un peu on pourrait dire l’égoïsme de la famille.
Comment est-ce que nous pouvons traduire ça, dans notre vie aujourd’hui : d’abord d’un côté que l’évangile peut toujours exercer cette force d’attraction ; et que nous avons besoin en demandant à l’Esprit Saint de venir nous envahir, de retrouver le goût, la saveur de l’évangélisation. En fait, évangéliser est une source de joie et de bonheur. On peut dire d’une certaine manière anesthésie notre foi c’est le fait, qu’on aurait trop de réserve à témoigner de notre foi. On ne peut pas grandir dans la foi simplement en prenant soin comme un vieux chant le disait « Je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver ». Ça ne peut pas être ça : il y a une mission au cœur de notre baptême qui est d’annoncer l’évangile. Et l’autre aspect, c’est aussi ne pas avoir peur de ce qui nous dérange. Jésus avait dit « On ne peut pas mettre du vin nouveau, dans de vieilles outres, c’est à dire que l’évangile a une saveur, une force d’attraction considérable, si on laisse l’évangile exprimer justement toute cette saveur, en témoignant nous-même comment nous avons été renouvelé par l’évangile. Et en même temps d’avoir nous-même cette folie en fait, parce que c’est peut-être ça qui est en jeu : est ce que nous sommes assez fous, pour nous laisser désinstaller par l’évangile ? On dit parfois qu’on nous a tout changé, que ce n’est plus comme avant, qu’on ne s’y reconnaît plus ! Et puis ce slogan qu’on aime bien dans notre vision pastorale, « il est plus facile de changer le pansement que de penser le changement ». Voilà pourtant, et le Pape François nous y invite, il faut vraiment passer d’une pastorale de la conservation à une pastorale résolument missionnaire, que nous n’ayons pas peur d’être fou en fait. (Est ce qu’il y a) , ça peut être un petit examen de conscience aujourd’hui : est ce qu’il y a en moi, quel est le grain de folie qui demeure en moi ? Voilà quel est ce grain de folie, que j’ai peur un peu de laisser s’exprimer parce qu’on me prendrait pour un illuminé ou quelqu’un d’un peu original, un peu désaxé par rapport à la réalité. Et alors j’ai entendu cette prière magnifique du père Louis Joseph LEBRET qui est un des experts du concile Vatican II, qui a vécu entre 1897 et 1966, voilà je vous propose de faire notre cette prière :
Dieu envoie-nous des fous
Qui s’engagent à fond,
Qui aiment autrement qu’en paroles,
Qui se donnent pour de vrai et jusqu’au bout.
Il nous faut des fous,
Des déraisonnables, des passionnés,
Capables de sauter dans l’insécurité :
L’inconnu toujours plus béant que la pauvreté.
Il nous faut des fous du présent,
Épris de vie simple,
Aimant la paix,
Purs de compromission,
Décidés à ne jamais trahir,
Méprisant leur propre vie,
Capables d’accepter, n’importe quelle tâche,
De partir n’importe où,
A la fois libres et obéissants,
Spontanés et tenaces, doux et forts.
O Dieu, envoie-nous des fous.
Ainsi soit-il Amen