Père Gilles Rousselet
4e semaine du TO – année impaire – He 11, 32-40 ; Ps 30 ; Mc 5, 1-20
Le moins que l’on puisse dire dans ce récit vivant, pourrait faire sourire dans nos conceptions très cartésiennes, très rationalistes de la vie et de la société. En tout cas un récit bien vivant et qui dit aussi des choses extrêmement importantes.
Il y a deux choses :
Il y a beaucoup de supplications : cet homme possédé, même d’ailleurs les démons qui supplient Jésus, qui lui demandent de les faire aller quelque part ; et il y a la foule aussi qui supplie Jésus. Tout le monde supplie Jésus ! Ce qui montre bien que la situation est dramatique. Il y a véritablement un drame humain qui se joue dans cette situation. Ce n’est pas du tout un roman de science-fiction, mais la réalité de notre existence. Avec les enjeux de la liberté de cet homme qui est libéré, vraiment rendu à lui-même.
Et le deuxième aspect, c’est qu’il n’y a non pas une expulsion, mais deux. Les démons et Jésus, qui est expulsé, on comprend pourquoi. Evidemment les propriétaires des cochons ne devaient pas être très heureux de la situation ; ça montre aussi que la rencontre avec Jésus transforme radicalement l’existence. Et qu’elle nous invite, comme on se le disait ce matin en réunion, à renoncer à nos intérêts propres, à nos intérêts personnels. Pour entrer vraiment dans le plan de Dieu, dans sa volonté et parce que c’est vital, c’est seulement la volonté de Dieu qui donne la vie, et la vie éternelle. Il n’y a pas d’autre volonté humaine, quelle qu’elle soit, qu’elle soit riche, qui puisse vraiment nous apporter la vie comme Jésus nous apporte la vie. Pas une vie améliorée, pas une vie de survivance, dans laquelle il s’agirait de survivre plus que de vivre, mais de la vie en plénitude. Ça suppose évidemment des transformations.
Un petit mot quand même, car c’est un des acteurs principaux de cet évangile, du shatan, satan. Qu’est ce qui nous est dit de lui ? On avait aussi dans l’évangile d’hier un récit qui parlait de lui. Il ne s’agit pas trop d’en parler, il ne s’agit pas de lui faire une place trop importante, il s’en charge tout seul. Ce n’est pas la peine d’aller dans ce sens-là, mais simplement d’être réaliste. Il y a des gens qui disent que le démon n’existe pas, que c’est juste le nom de l’époque de ce qu’on appellerait aujourd’hui des maladies psychiatriques ; Le pape François dit « Le diable existe, il faut le combattre. » ça me semble être l’expression la plus juste à la fois sur la réalité du diable et sur ce qu’il faut en faire. Il faut le combattre et entrer dans un combat spirituel dont nous avons non seulement les armes, mais en plus l’assurance de la victoire. Soyons clair : il est vaincu ! C’est même la raison pour laquelle parfois il se débat un peu.
Alors qu’est ce qui est dit de lui ?
D’abord, c’est qu’il règne dans le monde païen. Qu’est ce que le monde païen pour nous aujourd’hui ? C’est un monde, une vie dans laquelle Dieu n’a pas sa place finalement, Dieu n’est pas connu, n’est pas reconnu. Pas seulement comme une identité, mais comme un Dieu de relation : c’est la joie des chrétiens de croire à un Dieu trinité, c’est-à-dire à un Dieu relation. Le règne, le monde du shatan, c’est donc le monde païen.
Ensuite, c’est qu’ils sont nombreux. C’est peut-être un aspect qu’il faudrait développer un peu. On dit assez souvent que les esprits agissent en bande : on voit bien d’ailleurs dans notre vie quand on commet un péché, il y a la culpabilité, la honte, la peur, le renfermement sur soi-même… Il y a comme une chaîne de démons qui agissent et qui nous empêchent vraiment d’être ce que nous sommes appelés à être.
Le troisième point capital, c’est qu’il est vaincu. On ne peut pas aborder la question de l’existence du démon sans la christologie, c’est-à-dire sans la certitude de la victoire du Christ sur toutes les puissances intermédiaires. Quoi que ce soit, tout a été mis sous ses pieds. En tout cas, il est vaincu, d’ailleurs vous le voyez dans le récit évangélique d’aujourd’hui, comment ça se manifeste : ils sont prosternés au pied de Jésus. On ne se prosterne que devant une puissance supérieure.
Une autre chose, c’est qu’ils le supplient, comme je le disais tout à l’heure.
Enfin, Jésus manifeste vraiment sa victoire puisqu’il les expulse justement. C’est un aspect qu’il faut vraiment tenir dans la perception de l’action du diable, c’est qu’il est vaincu.
Le deuxième élément, c’est si on regarde un peu le personnage, cet homme, c’est-à-dire chacun de nous finalement, dans son existence liée par le démon.
Ici on parle de possession : les cas de véritable possession sont extrêmement rares, on parle plutôt d’infestations. L’homme est vraiment sous son influence, c’est-à-dire que la vie de cet homme est transformée par l’influence du démon. Il est alors situé dans un univers de mort, en opposition Jésus est la vie qui nous est offerte totalement gratuitement.
Personne ne peut le maîtriser. C’est une chose que nous devons également savoir : nous avons l’autorité et le pouvoir, mais dans le nom de Jésus. Par notre autorité et nos propres forces, nous ne sommes pas capables de lutter contre le démon. On n’en a pas la capacité, il est plus fort que nous, plus intelligent que nous. Mais, nous nous sommes entre les mains du Seigneur. Et quand on fait une prière de libération, (si vous suivez les complies, tous les soirs, je fais une prière de libération et toujours c’est par le nom de Jésus. Ce n’est pas par le nom de Père Gilles, ça ne vous apporterait pas grand-chose.) Mais par le nom de Jésus.
La troisième chose, cet homme crie, c’est-à-dire que sa capacité de communiquer est totalement altérée. Et on voit dans notre vie et aussi dans les relations, comment parfois on n’arrive plus du tout à communiquer. Alors qu’on dit de Jésus qu’il est le symbole, celui qui unit. Et que l’Esprit Saint est le grand communicateur.
La dernière chose, c’est qu’il se mutile, cet homme. C’est-à-dire qu’il y a, par l’influence du démon, une mutilation de soi-même. Il peut y avoir des tas de signes physiques de ça, mais aussi une négation de soi-même. C’est un pur mensonge : je suis nul, je ne serai jamais capable de rien, je n’y arriverai jamais, personne ne m’aime. Ce sont mensonges, des auto-mutilations, qui peuvent se manifester de manière physique, se faire du mal physiquement, mais également se faire du mal à notre identité. Alors que le Père dit « Tu es mon enfant bien-aimé, en toi je trouve toute ma joie. » Tout ce que je dis de moi qui n’est pas conforme à cette vérité là est par définition un mensonge : et donc ça ne vient pas de Dieu, mais du diable qui est le père du mensonge.
Le plus important c’est d’avoir conscience de l’existence du démon. Le diable existe et il faut le combattre. Pour ce combat, on a toutes les armes qui nous sont données par notre baptême, par la confirmation, par la prière, la méditation de la Parole de Dieu. Vous savez que Jésus, dans la tentation au désert, sa réponse est celle d’un Juif pieux : il cite l’Écriture. Quelqu’un qui a un rapport assidu à la parole de Dieu a toutes les armes pour lutter contre le démon. On a tout ce qu’il faut et par le Nom de Jésus que nous avons reçu à notre baptême, pour repousser les attaques du démon et être, par l’Esprit Saint, ce que nous sommes de plus en plus ce que nous sommes appelés à être, c’est-à-dire enfant de Dieu.
Amen