Père Gilles Rousselet
4e semaine du TO – année impaire – He 12, 4-7.11-15 ; Ps 102 ; Mc 6, 1-6
Dimanche dernier, je crois, nous avons pu prendre acte de l’autorité de Jésus. Une autorité qui est bien différente de celle des scribes et des pharisiens. Un homme qui parle avec autorité et avec la mise en œuvre de cette autorité, qui est l’autorité de la vie de Jésus, ce n’est pas seulement son enseignement. Ou plutôt son enseignement c’est toute Sa vie. On était dans cette journée un peu particulière de Capharnaüm, avec un emploi du temps bien serré, bien rempli, et Jésus enseigne, et les gens sont frappés par Son enseignement.
Mais nous avons pu constater qu’il n’y avait pas le contenu de Son enseignement, c’était donc l’invitation à considérer que c’est toute la vie de Jésus qui fait autorité. Voilà, c’est toute Sa vie qui est pleine. Et nous étions aussi invités, du coup, à peut-être une relecture de notre vie : de quelle manière notre vie, ce que nous disons, traduit bien ce que nous vivons. Pour Jésus, ce qu’Il dit est ce qu’il fait, et ce qu’Il fait est ce qu’Il dit. Nous sommes aussi, nous, invités à entrer dans cette cohérence, qu’il n’y ait pas de division entre ce que nous disons et ce que nous vivons. Et donc nous étions heureux de constater cette autorité.
Mais là il se passe quelque chose qui apporte un élément supplémentaire : cette autorité de Jésus est liée d’ailleurs de la même manière que pour nous à la relation qu’Il a avec son Père. Jésus tire son autorité de Sa relation totalement dépendante vis à vis de Son Père. Et cette relation nous a été proposée à notre baptême. Après évidemment, il nous appartient de la mettre en œuvre.
Mais ici, même s’il est dit que Jésus fait beaucoup de miracles, qu’Il enseigne avec autorité, il semble qu’il y a une limite. C’est-à-dire que pour Jésus, autorité ne veut pas dire pouvoir. Ce sont deux réalités différentes. Pour Jésus, elles sont évidemment complémentaires. Et vous voyez que l’autorité de Jésus ne s’impose pas, elle se propose avec tous ses fruits, toutes ses conséquences, mais elle ne s’impose pas. Là, il y a une limite au pouvoir de Jésus qu’il décrit d’ailleurs de manière très claire : Nul n’est prophète en son pays. On connaît bien ce dicton, des fois on l’invoque pour justifier un certain nombre de choses. Évidemment, dans le cas de Jésus, c’est bien différent. Là, la limite, on peut dire, du pouvoir de l’autorité de Jésus, c’est finalement notre manque de foi. D’ailleurs Jésus est assez étonné dans l’Évangile aujourd’hui : « Il s’étonna de leur manque de foi ».
Et alors comment notre foi peut-elle être limitée ? Eh bien, de manière assez paradoxale la foi peut être limitée par ce que nous croyons savoir de Dieu. Et aussi d’ailleurs de ce que nous croyons savoir des autres. C’est-à-dire la qualité de notre relation avec les autres est limitée par ce que nous croyons savoir d’eux. Vous savez parfois on enferme un peu les gens dans l’idée que nous avons d’eux, et ça nous empêche de rentrer pleinement dans le mystère de chaque personne. Souvent quand je célèbre un mariage, je demande aux couples les plus âgés d’abord, s’ils s’aiment toujours. En général ils répondent oui. Et puis aussi s’ils se connaissent toujours. C’est arrivé parfois qu’un couple réponde : Ah mon Père, si vous saviez, de moins en moins. Et ce n’est pas la maladie d’Alzheimer, hein, c’est parce que quand on avance dans la vie, dans la relation avec une personne, quand on l’aime, en fait cette personne nous apparaît de plus en plus comme un mystère, toujours à découvrir. Et que l’on ne peut jamais s’habituer simplement à la personne avec qui nous vivons. Et c’est ainsi pour Dieu. Il faut vraiment rester ouverts à ce que Dieu veut nous révéler de nous. Il y a un petit livre écrit par un dominicain, qui s’intitule je crois « Laisse Dieu être Dieu en toi ». Ce n’est pas nous qui déterminons qui est Dieu, comment Il pense, comment Il agit, mais c’est Lui qui se révèle à nous en plénitude et à la mesure aussi où nous avons un cœur ouvert, pas trop appuyé sur ses certitudes. « Moi je sais, moi je comprends, moi je vais vous dire »… rien du tout en fait ! Absolument rien ! Nous ne savons rien ! Vous connaissez ce très beau sketch de Jean Gabin « Je sais, je sais, je sais… » et à la fin il dit « je sais que je ne sais rien. » ça c’est vraiment la sagesse. Nous avons toujours à apprendre de la part de Dieu, et évidemment pour notre joie, ce qui veut dire que dans l’Éternité nous ne pourrons jamais connaître cette maladie bizarre qui s’appelle l’habitude… parce que nous serons toujours au contraire dans l’émerveillement de la rencontre de l’autre.
Bon il y a quand même un petit détail là, dans l’Évangile : Il ne peut faire aucun miracle, mais Il guérit quelques malades, quand même. Voyez donc que la guérison des malades n’est pas quelque chose d’accessoire. Même quand Jésus ne peut pas faire beaucoup de miracles, aucun miracle, quand même il peut guérir quelques malades en leur imposant les mains.
Amen.