Père Laurent de Villeroché
4e semaine du TO – année impaire – He 13, 1-8 ; Ps 26 ; Mc 6, 14-29
Nous voilà invités à acclamer la Parole de Dieu, et pourtant, on ne peut pas dire que ce soit un épisode particulièrement sympathique du style « Aimez-vous les uns les autres ». Pour bien entrer dans la dynamique, pour nous laisser former par le Seigneur eh bien faisons le rapport avec ce que nous avons entendu hier. Jésus est là avec ses apôtres, et puis il est toujours dans son temps de formation de disciples-missionnaires, et puis à un moment il envoie ses disciples-missionnaires, ses apôtres, et puis ses apôtres partent, ils proclament qu’il faut se convertir… Ils arrivent même à expulser quelques démons donc ça n’est pas si mal que ça. Ils font des onctions à des malades et ils les guérissent, donc a priori c’est plutôt bien parti. Mais on n’est pas disciple-missionnaire sans rencontrer la résistance profonde du monde. Et au fond c’est ce que nous avons dans cet épisode avec l’histoire de Jean-Baptiste, et cette tête qui tombe. Et ça nous fait rencontrer et percevoir, finalement, le monde dans sa complexité, ça nous interroge aussi sur ces existences différentes qui ont toutes des poids différentes. Parfois on ne pèse pas grand-chose, parfois on est très pesant, alors voilà le poids des existences. On a par exemple cette intégrité de Jean-Baptiste. De fait un personnage si étonnant qu’on se pose tous des questions sur lui. Je n’entre pas dans le détail, mais ça veut quand même dire qu’il interrogeait. C’est un homme aussi qui savait prendre position, tout simplement dire les choses, même si ça ne plaisait pas. Et on peut penser que dans l’actualité, dans la réaction de certaines églises contre cette fameuse loi de séparatisme, qui au fond en fait trop – pour de bonnes raisons – mais qui en fait trop, voilà. Il faut aussi qu’on puisse garder la liberté de conscience de dire des choses quand cela est prioritaire. Donc un Jean-Baptiste qui a un poids d’existence étonnant, et qui le va subir, bien entendu. C’est celui qui paraît avoir du pouvoir, ce roi. Ce roi qui pourtant a cette vie, il lui suffit de franchir l’idée du confinement et des fêtes à faire pour que, un petit coup d’alcool et il perd la tête. Cette espèce de roi qui a du pouvoir, mais qui en réalité est incapable d’avoir une pensée vraiment personnelle, un roi qui est incapable d’écouter son désir puisqu’il sent bien approcher Jean-Baptiste pour aller jusqu’au bout et progresser. Un roi qui a l’air d’avoir du pouvoir, et qui en réalité est prisonnier des autres et de l’image qu’il donne. J’en viens à cette jeune fille, cette jeune fille qui est obligée d’aller demander à sa maman ce qu’elle doit faire. Voilà une petite jeune fille à qui on aurait pu souhaiter de faire une bonne crise d’adolescence, et d’avoir enfin un peu de personnalité pour choisir un poids d’existence, un désir qui ne va pas jusqu’au bout. Alors heureusement, il y a la mère, qui a une sacrée caboche, et qui, elle, tient son cap, mais alors on voit à quel prix, puisque Jean-Baptiste va en perdre la tête. Voilà, et puis les disciples-missionnaires rencontrent donc cette situation, disciples-missionnaires d’hier comme nous le sommes aujourd’hui. Et il y a des moments, effectivement, comme on le voit à la fin du texte, il y a des moments où les bras nous en tombent. Et cette chose que l’on peut essayer de faire, j’allais le dire, et je vais le dire exprès brutalement, on ramasse les morceaux, on fait au mieux. Ici on s’occupe des corps, de ce qu’on peut encore faire, on essaie tout simplement d’être là, et de faire ce que l’on peut. Il me semble que dans l’épître aux Hébreux, dans la première lecture, nous avons aussi cette même invitation à essayer d’avancer tranquillement, de faire ce que l’on peut. Voilà : « N’oubliez pas l’hospitalité, elle a permis à certains sans le savoir de recevoir chez eux des anges.
Voilà, dans la complexité du monde, parce que de toute façon le monde nous résistera, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas l’aimer, et voir tout ce qui est en croissance dans ce monde, nous avons à faire notre travail, nous avons à être attentifs. Nous avons parfois peut-être surtout à être attentifs à ce qui est blessé, à être là, présents. Disciple-missionnaire c’est se laisser être envoyé par Jésus dans la joie, et d’avoir quelques réussites, de savoir que c’est Lui avant tout qui fait le travail, et qui peut transformer le monde.