Père Laurent de Villeroché
6e semaine du TO – année impaire – Gn 4, 1-15.25 ; Ps 49 ; Mc 8, 11-13
Parfois, nous l’entendions, le péché est accroupi à nos portes, à l’affût et on ne résiste pas à la tentation de lui ouvrir la porte et tout se dégrade…
C’est cela aussi qui arrive dans cet épisode aux pharisiens. Jésus est de passage chez eux, il vient de débarquer littéralement… et on le voir réembarquer : il est donc là pour peu de temps. Plutôt que de profiter de ce moment pour l’écouter, pour se faire par eux‑mêmes une opinion, voilà qu’ils ouvrent la porte au péché. En fait, ils veulent tout simplement et avant tout le coincer. Leur question, leur demande de signes, ils ne la posent pas « pour l’écouter » – avec bienveillance, pour comprendre là où il en est, ce qu’il veut faire- mais c’est, dit le texte, « pour le mettre à « l’épreuve » ! Le péché est lancé !
Et voilà qu’ils exigent un signe. On sent alors, et c’est rare, l’énervement de Jésus, un vrai énervement qui peut être celui qui vient d’une profonde tristesse pour cette fermeture des pharisiens. C’est quoi ce désir de signes ? Est-ce qu’ils veulent de l’extraordinaire, de la magie ? Comme si tout devait tomber du ciel sans que l’homme ne fasse rien. C’est vrai, ce serait facile. Mais est-ce respectueux de Dieu et de l’homme ? Ou alors, et c’est peut-être une autre forme de perversité : quand on a quelques signes, on en veut toujours plus. Ce qui revient au même car cela ne débouche sur aucune action, ils n’en deviennent pas plus acteurs. Aller de signe en signe, finalement, ce n’est jamais suffisant, et on finit toujours par en attendre…
Jésus s’énerve et il est triste, car il sait qu’il n’a cessé de donner des signes, des miracles mais aussi des paroles, sa capacité de rassembler les cœurs, des paroles capables d’éclairer des vies ; des paroles capables de donner un programme de vie. Et aussi, au-delà de ces miracles et de ces paroles, sa capacité à rassembler des gens de tous horizons… Si ça, ça n’était pas des signes ! Alors, plutôt que d’en réclamer encore plus, il aurait fallu aux pharisiens demander à comprendre ces signes, en vue de se convertir et à se convertir. Il aurait suffi que Caïn se découvre « gardien de son frère » et tout aurait changé. Il aurait pu avoir un petit fond de péché qui reste là, au fond, ça n’aurait pas dérapé comme ça l’a fait.
Nous aussi, accueillons les signes qui existent déjà, sans en réclamer toujours plus pour nous dispenser de nous convertir. Et demandons surtout la grâce de devenir signes du Règne. Devenir signe du Règne nous-même. Ce sera la meilleure réponse que Jésus pourra apporter aux pharisiens d’aujourd’hui !
Amen