Homélie du mardi 16 février 2021

16 Fév 2021 | Homélies

Père Gilles Rousselet

6e semaine du TO – année impaire – Gn 6, 5-8 ; 7, 1-5.10 ; Ps 28 ; Mc 8, 14-21

La première lecture que nous avons entendue fait partie de ces récits sur lesquels on aimerait passer un peu vite, et pourtant il y a des gens qui disent : « Votre Dieu, qui a provoqué ce déluge pour engloutir toute l’humanité…  Évidemment, ça n’est pas à pendre au sens littéral, mais ça n’empêche pas d’ouvrir notre cœur à l’intelligence des Écritures, comprendre le message profond qui est derrière. D’abord il me semble bien me rappeler au travers de mes études que les archéologues ont trouvé des traces d’une grande inondation. Alors évidemment ce n’était pas à l’échelle planétaire, mais la conscience de la planète n’a pas toujours été celle que nous avons aujourd’hui. Donc il y a les traces d’une grande inondation, et peut-être que une sorte de tentative de relecture croyante d’un événement. Et si on relit ce récit, d’abord c’est intéressant d’aller à la fin : la conclusion c’est le plus important parce que Dieu dit : « Plus jamais je ne maudirai mon peuple ! »

Mais là dans ce récit il y a aussi quelque chose de prophétique. D’abord il y a la conscience que, à vrai dire nous le voyons bien aujourd’hui, ne nous voilons pas la face, l’humanité…   il y avait un poète qui disait que l’être humain est la seule créature capable de s’autodétruire. Et nous le voyons bien, on ne peut pas se voiler la face, par l’utilisation des media aujourd’hui on voit tout en direct, ce que l’humanité est capable de se faire à elle-même, à tous les niveaux. Donc il y a quand même… et Dieu n’est pas indifférent à tout ça, Dieu est amour mais pas indifférent, il est amour mais pas stupide ! Et là, en tout cas, dans ce récit, il y a quelque chose de prophétique, c’est d’abord cette relation qu’il y a entre Dieu et Noé, le regard, comment une personne, et c’est vrai dans toute l’histoire de l’Église, il y a eu vraiment des conversions importantes parce que une personne est entrée en relation avec Dieu et a vécu l’Évangile. Saint François d’Assise par exemple a eu un rayonnement considérable, et Saint Jean-Eudes, dans le contexte de l’École française de spiritualité. Quelques-uns, pas tous mais quelques-uns ont vraiment contribué au renouveau de la foi chrétienne en France et dans le monde, parce qu’après les maîtres de l’École française ont formé les prêtres. On dit même qu’ils les ont tellement bien formés que un certain nombre d’entre eux ont joué une influence très importante au concile Vatican II, voyez. Donc il y a à la fois…  remarquez cette relation : chacun de nous est absolument unique, et aucun de nous ne peut se désintéresser du salut, de l’annonce de l’Évangile. Noé a vraiment joué ce rôle, et finalement il y a quelque chose de prophétique aussi parce que le seul vrai Juste par lequel l’humanité est sauvée, c’est le Christ. C’est lui le vrai Noé. Et voyez il y a dans ce récit l’expression vraiment de la volonté de Dieu de sauver l’humanité mais de nous y associer. Bien sûr il y a un seul Sauveur, mais nous avons aussi à accueillir le salut, on ne peut pas être en train de contempler la situation du monde comme on va regarder un film au cinéma, surtout qu’on ne peut plus, alors bon. On ne peut plus aller au cinéma, je veux dire. Mais on ne peut pas non plus contempler le monde comme ça, les bras ballants : qu’est-ce qu’on peut faire ? Si chacun de nous nous essayons de chercher la volonté de Dieu et de la mettre en pratique, alors c’est sûr que nous n’avons pas d’inquiétude à avoir sur le déploiement du salut que Dieu a parfaitement accompli en son Fils.

Et voyez dans l’Évangile d’aujourd’hui il est question du levain des pharisiens, là, Hérode, contre lequel Jésus met en garde ses disciples, c’est-à-dire chacun de nous. Eh bien là, le levain des pharisiens… le levain c’est quoi ? c’est ce qu’on met dans la farine pour que ça monte. Donc c’est à la fois caché, mêlé, et en même temps ça fait monter, ça transforme quelque chose, ça lève, en fait. Alors c’est quoi ce levain des pharisiens, eh bien c’est le levain qui était décrit hier dans l’Évangile, c’est la suspicion, le besoin d’avoir des signes et des preuves, de mettre Dieu au défi de prouver ce qu’il dit, il y a quelque chose comme ça. Et en fait ça agit en nous, c’est ça l’image du levain. C’est important de regarder comment le doute, la suspicion, le jugement, la critique peut nous envahir. Alors ça commence par un petit rien. Juste dans notre tête, on n’a rien dit à voix haute mais on a commencé à le ruminer, à le penser, puis ça nous mobilise, c’est ça un peu le levain des pharisiens, et d’Hérode. Eh bien Hérode c’est celui de peur, de la rivalité, du pouvoir, des conflits – il ne faut pas fuir les conflits hein, on ne peut pas avancer en évitant les conflits, Jésus n’a pas évité les conflits, en tout cas – Et là ce qui doit attirer notre attention aussi, et peut-être pendant ce temps du Carême, c’est pour ça qu’on vous propose un panier-repas avec de la bonne nourriture dedans, et là aussi chacun est libre d’emprunter, de se nourrir de ce panier-repas…   Une petite parenthèse, évidemment il y a une décision personnelle, on est libre d’utiliser ce panier-repas qui va nous être distribué à partir de demain, et après tous les dimanches jusqu’au dimanche de Pentecôte, mais le fait de le vivre ensemble, c’est très important. C’est très important, vraiment je sollicite de votre part cette adhésion à ce projet. Peut-être que tout ne vous conviendra pas, mais le fait de décider ensemble, communautairement, de le parcourir, je pense que ça peut être important pour notre communauté, pour le renouvellement de notre communauté.

Mais voyez, ce qui est jeu ici, c’est Jésus dit, enfin les disciples disent : « Nous n’avons qu’un seul pain », et ça semble ne pas leur suffire. Alors j’aime bien comment Jésus, c’est un peu le marteau-piqueur, là : « Mais vous n’entendez rien, mais vous ne comprenez rien, vous ne voyez rien, vous avez des oreilles pour entendre et vous n’entendez pas, vous avez des yeux pour voir et vous ne voyez pas, mais enfin ! »  Oui, c’est un peu comme un marteau-piqueur pour venir à bout de nos résistances. Jésus, vraiment, nous réveille : « Eh, réveillez-vous ! Il n’y a qu’un sel pain, mais bien sûr, le seul pain, c’est moi ! Donc il doit vous suffire ce seul pain » Et comment ne pas comprendre qu’il doit nous suffire ? Eh bien déjà ne pas comprendre qu’Il est là, avec nous, dans la barque. La barque, c’est l’Église, soyons clairs, c’est notre communauté, c’est ce que nous sommes. Ne pas avoir conscience qu’Il est là, avec nous, et donc que nous aurions besoin d’autre chose, voyez. Mais c’est aussi de se dire que, justement, Il est là avec nous, et c’est le seul pain dont nous avons besoin, ce n’est pas la peine d’en chercher d’autre. Des fois on peut être saisi aussi, vous savez comme quand j’étais en Côte d’Ivoire, il y avait un secrétaire paroissial qui était un type absolument extraordinaire, qui un jour voit une paroissienne aller chez le marabout. Et alors, il dit : « Alors ma sœur, comment ça se fait que tu vas chez le marabout ? » Elle lui dit : « L’aspirine ça ne marche pas, alors je prends de la nivaquine » Vous comprenez ? Non, apparemment, vous ne comprenez pas. Mais enfin vous avez des oreilles pour entendre, et vous n’entendez pas ! (rires) En fait elle disait que la prière ne marchait pas, donc elle allait essayer autre chose. Mais là je prends un exemple en Côte d’Ivoire parce que c’est celui qui me vient, mais en France on est un peu comme ça, on peut chercher des tas de méthodes, des trucs parallèles, des médecines parallèles, des stratégies parallèles, alors que vraiment, ce qui est déterminant c’est le Christ ! Il est l’unique pain, Il est dans la barque, on n’en pas besoin d’autre. Et ce qui est important, c’est l’approfondissement de notre relation avec Lui. Pour que toute la puissance qui est d’amour et de miséricorde qu’Il porte en Lui se déploie vraiment en nous. Voyez c’est ça, à mon avis, aujourd’hui l’intérêt d’une paroisse c’est que ça doit être un lieu, et ça n’est pas descendant, c’est chacun de nous, nous partageons le pain que nous avons reçu. Et dans le panier-repas on vous propose de mettre en place des petits groupes. Il va falloir partager ce pain, il faut le partager, parce que sinon il va être tout sec dans notre garde-manger. La seule manière que ce pain reste du pain bon, croustillant comme – vous pourrez demander à Laurent, c’est souvent lui qui va chercher le pain à la boulangerie – vous voyez de quoi il s’agit, on passe devant une boulangerie, ça sent bon le pain, et si je ne le partage pas avec les autres, ça sera du pain que je vais acheter trois jours après, qui sera tout sec, qui ne sera pas bon. Il faut le partager, ce pain.

Amen