Père Gilles Rousselet
Chaire de Saint Pierre, apôtre – 1P5, 1-4 ; Ps 22 ; Mt 16, 13-19
J’aime bien dans ce récit visualisé cette circulation de la parole. Vous avez vu, entendu (si on la visualise de manière écrite – mais aussi la visualiser dans son esprit) vous avez donc visualisé que Simon-Pierre prend la parole pour dire une chose assez importante : répondre à l’interpellation de Jésus qui est la Parole. Alors on peut dire que Simon-Pierre a accueilli cette parole qui était en train de s’exprimer, le verbe de Dieu qui s’est fait chair. Et donc il dit quelque chose et à son tour, Jésus reprend la parole et dit quelque chose qui est le fondement même de la vocation de Simon Pierre. Vous voyez que dans cet échange de paroles, il y a à la fois la réalité de la Parole Dieu qui est Jésus fait chair, pour qu’on puisse l’entendre, la recevoir, la partager… C’est d’ailleurs ce que vous allez faire pendant ce temps du carême jusqu’à la Pentecôte, en mettant en place des petits groupes, justement pour que la parole se donne à entendre, qu’elle se donne à partager. Et l’importance, nous le savons et nous le connaissons bien, de cette parole qui est entendue, qui est partagée, qui est prise aussi. C’est-à-dire dans les petits groupes de partage, vous allez pouvoir prendre la parole : pas la prendre, comment dire, comme on se l’approprie. Mais la prendre car elle se donne. Et l’accueillir vous -même dans ces petits groupes et faire l’expérience justement que cette parole elle passe par vous.
Vous avez vu ce que Jésus dit à Simon-Pierre : « Heureux es-tu ! » Heureux es-tu parce que toi qui as pris la parole, pas pour dire quelque chose en l’air, mais pour dire quelque chose qui ne vient pas de toi, heureux es-tu Simon-Pierre parce qu’en prenant la parole pour répondre à la Parole, tu fais l’expérience que cette parole te fait vivre. Cette Parole qui vient du Père, c’est le Père lui-même qui t’a inspiré cette parole. Et c’est vraiment ça qui est en jeu ! Vous avez vu comment on passe d’un niveau à un autre parce que la question que pose Jésus aux disciples ce n’est pas parce qu’il est en pleine crise d’identité ; Jésus sait bien ce qu’il est, c’est nous qui avons à découvrir qui il est vraiment. Il y a un premier niveau : « Qu’est-ce que les gens disent de moi ? » Ce n’est pas une parole efficace : « Les uns disent que tu es une personne importante, que tu es une personne parmi d’autres, certes qui a marqué son temps. Qui nous a tellement marqués qu’on te prendrait bien pour la réincarnation de quelqu’un d’autre… Mais cette parole comme elle est donnée, ça n’a aucune prise, ça ne va pas changer la vie des gens. Et là, Jésus dit « Et vous ? Voilà maintenant, prenez la parole : et pour vous qui suis-je ? » Et vous voyez bien qu’encore une fois, en prenant cette parole qui se donne, parce que cette parole, elle nous est donnée, je vous donne la main, Jésus, c’est Dieu qui dit : Je vous donne la parole, prenez cette parole qui est en vous, qui vit en vous, qui chante en vous, qui s’exprime en vous, qui ne demande qu’à se répandre, à porter du fruit. En la prenant, vous donnerez le plus incroyable témoignage qui soit, un témoignage pour vous. Vous allez faire l’expérience, comme si on mettait devant vous un magnifique Stradivarius, un violon d’une grande marque, que vous en ayez un chez vous mais que vous n’en jouiez jamais. Et bien la Parole elle est vraiment là, à disposition. L’Écriture dit « Elle n’est pas loin de toi cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. » Elle se donne à toi, et bien prends-la et donne-la. Et tu vas vraiment faire l’expérience qu’en la donnant, en la prenant parce qu’elle est donnée, et en la donnant aux autres tu vas faire l’expérience qu’elle te fait vivre, qu’elle est ta source vitale. Comme un Stradivarius qui va jouer le plus extraordinaire concert de toute sa carrière. C’est ça qui fait vivre l’Église.
Pour Simon-Pierre, ça a une conséquence. Justement parce que Simon-Pierre a pris la parole qui lui été offerte, et qu’il l’a donnée, cette parole prend chair en lui et va façonner son existence. Et il va devenir le premier pape de l’histoire de l’Eglise. Ce qui est très beau d’ailleurs : tout ce pouvoir et cette autorité que Jésus donne à Simon-Pierre, finalement elle est donnée à un homme extrêmement fragile, vulnérable, faillible. Elle n’a pas été donnée à un surhomme tout puissant.
Mais voyez comment j’accueille cette parole qui m’est donnée et que je la prends pour la transmettre aux autres, comment la puissance de Dieu peut se déployer dans notre faiblesse. C’est ça qui est extraordinaire.
Alors évidemment, ce que je voudrais partager aussi avec vous, parce que ça me tient vraiment à cœur, et de plus en plus, c’est l’importance pour nous d’aimer l’Église. Aimer l’Église aussi dans sa faillibilité ; bien sûr il y a eu des horreurs qui se sont faites dans l’Église et il y en aura encore. Mais dans une famille, quelqu’un peut avoir fait quelque chose d’absolument horrible, on ne va pas jeter toute la famille parce qu’il s’est fait quelque chose d’horrible. Vraiment on a à aimer l’Église parce qu’elle est notre mère. Vous savez qu’une des premières inscriptions au sujet de l’Église, dans les premiers siècles de l’Église, c’est « Mater Ecclesia » en latin « Notre Mère l’Église » Elle est notre mère, celle qui nous enfante vraiment à la vraie vie. Et je crois qu’on a vraiment un appel en nous parce que le Christ est l’époux de l’Église, l’Église est l’épouse du Christ. Nous ne pouvons pas ne pas aimer ce que Jésus aime autant. Il faut vraiment l’aimer, prier pour elle et faire attention dans notre manière de parler d’elle ou en son nom. Ce matin, on a échangé avec Marie-Anne sur un commentaire sur la paroisse et sur l’Église ; il faut qu’on fasse attention, parce que dans notre manière de parler de l’Église ou de parler en son nom, on peut lui faire bien plus de mal que ses persécuteurs. Donc, aimons notre Église telle qu’elle est ! Et puis l’aimer c’est la servir. C’est ça évidemment qui est important.
Amen