Père François Jourdan
Mardi de la 1ère semaine de Carême – Is 55, 10-11 ; Ps 33 ; Mt 6, 7-15
Il est bon pendant ce début de Carême, de quarantaine si on peut dire aujourd’hui, d’être appelé dans la première lecture par justement la Parole qui doit produire du fruit, dans notre vie. La semence, Jésus reprendra tout ça, on l’a déjà dans Isaïe. Ça tombe à point pour que notre vie en effet fleurisse de cette force, de l’espérance de Dieu et de Sa grâce dans notre vie. Et ça tombe bien aussi que nous ayons ce rappel de la prière qui est une dimension importante de notre vie chrétienne de tous les jours. Enfin en particulier bien sûr, dans ces temps de liturgie comme le temps de l’Avent vers Noël, le temps du Carême vers Pâques, qui est encore plus important que Noël.
Et nous serons sensibles au fait que cette prière du Notre Père, que Jésus nous donne, pour ne pas prier n’importe comment, pas comme les païens, rabâcher… ça il n’y a pas que les païens, ça peut arriver aussi chez des chrétiens. Attention, il ne suffit pas de prier pour que la prière soit bien vécue et qu’elle soit authentique. Ça peut être une récupération de Dieu pour se le mettre dans la poche ! Doucement !…. Ça demande de l’humilité en effet, parce que Dieu, dans l’alliance justement, Il est humble. C’est une alliance complètement asymétrique, qui est choquante à vue humaine, voyez. Eh bien c’est parce que Dieu est humble, et qu’Il nous aime. Du coup, Il se fait Lui-même humble, Il se fait partenaire, et un partenaire actif qui va même se donner. C’est une alliance très profonde, ce n’est pas un pacte vu de loin et sans impact, pas du tout ! Alors Dieu lui-même est humble, et nous quand nous nous adressons à Lui, évidemment que nous devons être humbles aussi. C’est complètement tordu de vouloir dire : Que Ta volonté soit faite, et puis en fait on Lui demande de faire notre volonté. Bien sûr, cela se voit. Alors nous devons être là-dessus lucides.
Et cette prière du Notre Père, on pourrait prendre le temps, mais nous ne l’avons pas… il faudrait demander aux biblistes ou utiliser les choses sur la Bible, vous trouverez ça : c’est une prière juive. C’est plein de tout un vocabulaire juif, vous voyez. À commencer par : Que Ton nom soit sanctifié ! Ce n’est pas du bon français. Le mot « sanctifié », d’habitude, ce n’est pas ça. Mais dans la Bible, chez les juifs, c’est un thème très en faveur. Donc on le retrouve là, et bien d’autres choses : Que votre volonté soit faite, etc. Et : Que Ton règne, ça va devenir le Royaume du Christ Lui-même. Il le dit : Le Royaume est tout proche de vous, c’est Lui d’ailleurs !
Et j’insisterai plus sur le mot : « terre ». Ça, ça décoiffe ! Et justement, il y en a qui trouvent que c’est un peu trop, voyez, à vue humaine. C’est une révélation, et jamais les hommes n’auraient pu imaginer que Dieu ose ça. Il a fallu que ce soit Dieu lui-même qui le fasse. Il n’y a que Lui d’ailleurs pour le faire… Donc ça ne vient pas de nous, et ça nous aide au contraire à vivre pour être à l’image de Dieu Créateur qui est au début, si on peut dire, à penser ce monde et notre vie. Et être à Son image, c’est-à-dire un Dieu qui aime, c’est-à-dire qui se donne, dans l’Alliance. Alors nous nous donnons à Dieu, puis nous nous donnons à nos frères, puisque Jésus a dit que c’étaient les deux commandements qui n’en forment qu’un. Là aussi c’est dans la Bible, mais c’est Deutéronome, et c’est Lévitique ; Jésus joint les deux : « Tu aimeras le Seigneur Ton Dieu », dans le « Shema Israël » il n’y a pas Tu aimeras ton prochain. Il faut aller voir dans le Lévitique, Tu aimeras ton prochain comme toi-même… et Jésus : Là aussi c’est une forme d’alliance avec Dieu, qui se transpose avec nos frères. L’Alliance est profonde, si l’on est à l’image de Dieu, on est aussi en alliance, mais pas seulement avec Lui, mais avec nos frères. Donc pour voir si je vis l’alliance avec Dieu, il faut que je regarde si je vis l’alliance avec mes frères. Pour savoir si j’aime Dieu, il faut regarder si j’aime mes frères. Alors ça nous pousse, mais le Carême, c’est pour ça !