Marcel Bardon, violoncelliste-diacre
« Heureux serez-vous ! » L’impossible “concrétude !”
Quelle audace ces « Béatitudes » comme Portique initial du Sermon sur la Montagne. “La plus belle poésie de l’homme” disait Gandhi. La merveille des Béatitudes, c’est que Jésus est capable d’avancer ce qu’il dit et de le constater dans l’humanité qu’il revêt en pleine connaissance de cause.
Il y a une qualité d’existence et de relation que Jésus instaure autour de lui, par ses disciples, par les pauvres qu’Il rencontre, par les lépreux qu’il purifie. Il remet chacun d’aplomb, extérieurement aussi d’ailleurs. Ce bonheur-là qu’il instaure et dont il est investi lui-même dans tout son être, il le veut pour nous pareillement. Quel bonheur.
Être heureux, ce n’est pas avoir les poches pleines de fric, la peau du ventre bien tendue, les biceps plus gros que ceux du voisin… le pouvoir dominateur qui, comme la statue d’airain, s’effondrera au moindre caillou venant toucher son pied d’argile. Tout est “poursuite du vent” si on ne regarde pas la suite des Béatitudes : “On vous a dit, moi je vous dis !” Le programme est redoutable, voire impossible. Et pourtant il l’a accompli.
Il a franchi l’abîme du péché où nous nous étions fourgués pour nous redonner cette humanité dans laquelle le Père nous a créés et que le baptême nous restitue. Jésus si proche des pécheurs et si loin du péché nous redonne la dignité de l’Origine, il veut même faire de nos boulets des atouts pour le Royaume. Heureux sommes-nous d’être visités par ce Fils qui vient tirer du pur de l’impur. On peut réentendre : “Tu as du prix à mes yeux et je t’aime”
Les Béatitudes, ce n’est pas le constat de voir les pauvres heureux de leur situation mais de les savoir visités malgré leur indigence. Nous sommes tous des pauvres devant Dieu et la richesse ne garantit pas la béatitude.
Les Béatitudes c’est la joie qui habille le cœur de celui qui cherche le Royaume, pas les ruines de l’argent ! et le Royaume est là malgré nos limites et notre mort physique inéluctable. Au point même que Jésus a pris tous les risques en nous invitant à être “Heureux”. En lui, ce n’est pas l’homme qui est mort face à Dieu : “On ne peut pas voir Dieu sans mourir” (Ex 33, 20), mais c’est Dieu qui a “pâli pour l’œuvre de ses mains” (Jb 14, 15), se donnant tout entier pour que rien ne soit oublié ou perdu de son Amour créateur et sauveur. En Lui, la mort est morte. Et c’est en pleine liberté que Jésus l’annonce : « Heureux serez-vous … »